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Le conflit Tamouls-Cingalais au Sri Lanka

géopolitique des religions
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géopolitique des religions

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Année académique : 2019/2020
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Institut Catholique de Paris

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Le conflit entre Tamouls et Cingalais au Sri Lanka

Bibliographie et sitographie.

  • E. MEYER et D. MADAVAN, Sri Lanka : les séquelles de la guerre , Hérodote, 2015.
  • D. MADAVAN, Sri Lanka : la lutte contre le terrorisme et la catastrophe humanitaire.
  • E. PAVEY, Les Kamikazes sri-lankais.
  • P. PRAKASH , Chassée avec les Tigres, Vavuniya , 2009.
  • N. WICKRAMASINGHE, Tamoul séparatisme, encyclopédia universalis.

Introduction.

Le Sri Lanka, une île au sud de l’Inde, a connu pendant près de trente ans une guerre entre Tamouls et Cingalais. Causant entre 70 000 et 80 000 morts, elle a officiellement pris fin en 2009, lorsque le gouvernement de Mahinda Rajapaksa écrasa les guérillas de son opposant. L’île connaissait depuis 1945 des tensions entre les différentes communautés résidant en son sein, et l’équilibre entre la majorité cingalaise et la minorité tamoule était difficile à trouver. Dès 1956, des violences éclatent entre les deux opposants, à Colombo, la capitale de l’île. En 1957 un accord est signé, mais il est rompu seulement un an plus tard, provoquant un envenimement des relations. Le conflit semble imminent. La nouvelle constitution de 1972 n’améliore pas la situation, puisqu’elle favorise la population cingalaise, qui est majoritaire sur l’île. En réponse à cela, les Tamouls décident de créer un parti séparatiste, les Tamil New Tigers, dont Velupillai Prabhakaran est le président. Il souhaite un Etat indépendant et laïque, permettant ainsi de réduire l’influence cingalaise et bouddhiste sur l’ensemble du Sri Lanka. Ce conflit semble donc entremêler plusieurs problématiques. D’un côté des envies d’émancipations, tant sur le plan religieux que culturel, et de l’autre une volonté d’indépendance, de créer un véritable « Etat tamoul » au sein d’un pays qui ne leur est pas familier. Il est difficile de chiffrer de manière précise les combattants, le nombre de blessés ou encore de morts, car ce conflit se fit en grande partie à l’écart des médias et de la communauté internationale. On peut réellement parler d’une « guerre », dépassant les limites de la simple guérilla. Le développement du terrorisme et les moyens de répression mis en place par le gouvernement ont été à de nombreuses reprises ambiguës et ont pour la plupart du temps franchi les limites vis-à-vis des populations civiles, impliquées malgré elles dans le conflit.

= Comment ce conflit aux revendications idéologiques et identitaires s’est-il transformé en véritable « huis clos » entre le LTTE et le gouvernement?

Les revendications d’une minorité.

Un conflit d’une apparente nature idéologique et identitaire...

Le Sri Lanka est majoritairement composé de Cingalais, population bouddhiste qui, en 1981, peuple 74% de l’île. Dans une société dominée par le système de castes, ils se trouvent tout en haut de l’échelle et dominent les intouchables, les Tamouls. Ces derniers sont majoritairement hindouistes, et par définition « ennemis » des bouddhistes. Cependant c’est plus compliqué que cela, car cette communauté est hétérogène, également peuplée de musulmans et de chrétiens. Le conflit dépasse donc la notion de religion, même si les tensions naissent en partie à cause de ce facteur.

La majorité cingalaise souhaite à tout prix imposer sa langue, sa culture et sa religion sur la minorité tamoule qui ne représente que 18 % de la population sri Lankaise à l’époque. Pour cela, elle monopolise le pouvoir institutionnel et politique. Dès 1956, les nationalistes cingalais s’emparent du pouvoir. Leur langue devient celle du pays et le bouddhisme occupe désormais la place de « religion d’Etat », avec une place prédominante dans tous les secteurs. De plus, la constitution de 1972 particularise de manière évidente la population tamoule, notamment en créant un système discriminant pour l’accès à l’Université, ou encore en délaissant les régions tamoules moins développées. Ces différences de traitement sont principalement visibles dans le sud du pays, région où les Cingalais ont tous les pouvoirs. Le Ceylan est également renommé Sri Lanka, mot cingalais, qui appuie encore plus cette volonté de nationalisme. La population du pays connaît donc une véritable crise identitaire, où plusieurs civilisations cohabitent : musulmans, hindous, chrétiens etc. Selon des penseurs comme Huntington, l’identité religieuse est essentielle, et nécessite une certaine harmonie pour obtenir la paix au sein d’un Etat. La religion, qui permettrait la construction d’une identité et d’une unité personnelle, est ici un facteur de conflit. De plus, il n’est pas le seul point sur lequel la population s’affronte. La langue, qui est un élément fondateur pour une communauté, est également source de rivalité.

Nous allons voir désormais la construction d’un contre-pouvoir, les Tigres Tamouls, qui permet de dire que les conflits d’ordre idéologique et culturel deviennent vite des problématiques amenant à une véritable guerre.

.. permet la création d’un véritable contre-pouvoir.

L’arrivée au pouvoir de Solomon Bandarnaike, à la tête du SLFP (Sri Lanka Freedom Party) en 1956, permet donc aux nationalistes de prendre la tête du gouvernement. Cette avancée permet, comme nous l’avons dit, de donner davantage de pouvoir aux Cingalais, et d’exalter la religion bouddhiste. Le parti fédéral tamoul essaie lui aussi de revendiquer un Etat en son nom, mais les discussions sont difficiles entre les deux groupes. Peu à peu, des partis extrémistes émergent dans les deux camps, et les premières violences apparaissent : en 1958 quatre jours de conflits, comptant près de 500 victimes. En 1976, V. Prabhakaran crée le mouvement de LTTE, les Tigres de libération de l’Ilam Tamoul. Cette organisation compte près de 10 000 cadres, mais également des milliers de sympathisants dans le monde entier. Elle montre l’aspect intercommunautaire du conflit, qui dépasse le simple aspect idéologique et culturel. Il est qualifié de marxiste et souhaite intensifier de manière certaine la lutte contre le gouvernement, et surtout de se distinguer des autres organisations tamoules. Cette organisation devient rapidement terroriste, et mène de nombreuses attaques à l’encontre du gouvernement. Le nord-est de l’île s’oppose au reste. Le mouvement de LTTE a un aspect religieux minime. L’organisation se revendique comme laïque, acceptant les Tamouls, les laïques et les chrétiens. En effet, elle a besoin de l’appui de l’entièreté de la population tamoule, et ne peut pas favoriser une religion plus qu’une autre. On voit donc le basculement qui s’est opéré. C’est un réel mouvement indépendantiste et identitaire que l’on voit émerger. Les arguments du début semblent mis de côté, pour mettre en avant une société sans système de castes, sans discrimination étatique. C’est en partie pour cela que les jeunes, souvent défavorisés, de la population tamoule, se révoltent et prennent les armes, au côté d’un mouvement qu’ils considèrent comme prônant l’égalité et la liberté. Le LTTE souhaite en effet rétablir une unité, à la fois dans la langue et à la fois dans le territoire Sri-Lankais. Il prend rapidement un pouvoir considérable dans les

marquent une répression accentuée et l’utilisation massive de l’armée. En 2005 il lance une campagne contre l’organisation, et réussit à reconquérir quasiment tous les territoires qu’avaient pris les Tigres. Le pouvoir mène une véritable propagande gouvernementale, une campagne militaire qu’on accuse de dissimuler sous une lutte contre le terrorisme. De plus, le contrôle des médias est total, rapprochant cela d’un régime quasiment totalitaire. L’image de la répression n’est pas affichée, et les opposants au gouvernement sont souvent tués, ou disparaissent. Ce conflit intercommunautaire se renforce de plus en plus, animalise et déshumanise l’ennemi. Des logiques d’extermination commencent à voir le jour, mais n’aboutiront jamais. E. Madavan écrit : « L’idéologie de la défense des droits des minorités devient une idéologie de libération nationale ». Au vu de l’intensification du conflit, la communauté internationale souhaite réagir. Cependant, le gouvernement empêche les organisations humanitaires d’accéder aux zones de combat, rendant cette guerre complètement coupée du monde, uniquement connue du pays. Le gouvernement souhaite qu’il n’y ait aucun témoin du conflit, empêchant ainsi la création d’un réel bilan humain et empêchant la médiatisation des massacres se produisant sur l’île. Le rôle ambigu du gouvernement dans la répression du LTTE fait réagir la communauté internationale. L’incapacité de l’Etat à prendre en charge les problèmes de terrorisme pose problème. Cependant, ces soucis ne s’arrêteront pas avec la fin de la guerre. En effet, on parle d’une réelle catastrophe humanitaire, engageant des véritables débats sur le plan du droit naturel et des droits de l’homme.

Une catastrophe humanitaire à tous les niveaux.

Le terrorisme et ses séquelles.

Beaucoup s’accordent sur le terme de « catastrophe humanitaire » pour désigner l’issue du conflit qui opposa les Tamouls et les Cingalais pendant près de 30 ans. La population est sous la pression permanente du LTTE. Elle subit des bombardements et les conflits incessants entre l’organisation et l’armée. Ce mouvement, qui agissait pour un Etat indépendant, a laissé des ambitions territorialistes et idéologiques prendre le dessus sur ses objectifs annoncés. Il est difficile de savoir l’impact réel du LTTE sur la population sri lankaise, et les véritables avancées que le mouvement a fait naître. Cependant, le terrorisme à surtout crée des mouvements d’exode considérables, générant une importante diaspora. Cette dernière dénonce le « génocide », et souhaite la création d’un tribunal international, que ce soit pour l’organisation terroriste ou le gouvernement. Ils sont soutenus par les Tamouls indiens, et une grande partie de la communauté internationale. De plus, la plupart des Tamouls sri lankais ne se considèrent plus comme des citoyens de leur Etat. Ils ressentent l’insécurité, l’abandon, qui est l’opposé de ce que soutenait le LTTE. La violence semble être l’unique élément retenu par les populations civiles, qui ne comprennent pas la dérive terroriste de l’organisation. On assiste à une véritable destruction identitaire. Cependant, la langue tamoule redevient une langue officielle, même si elle n’est toujours pas utilisée dans l’administration. Pour l’éducation aussi, leur culture est ignorée, tout comme la religion hindouiste. La bibliothèque de Jaffna, unique lieu de représentation du patrimoine tamoul, a été incendié. De plus, les moines bouddhistes ayant rejoint le pouvoir après la guerre, appellent régulièrement à une Guerre Sainte contre les Tamouls, attaquant les lieux de cultes chrétiens et musulmans. Suite à l’échec de cette guerre, les Tamouls en ressortent traumatisés, et souhaitent le retour d’un gouvernement modéré, laïque, et votent massivement pour le candidat du TNA.

Une « guerre » menée par le gouvernement, sous couvert d’une chasse aux terroristes.

Le président Rajapakse est l’incarnation de la victoire cingalaise sur la minorité tamoule. Il est sans cesse glorifié, ainsi que son armée. Cependant, il installe un régime autoritaire, assimilable à une dictature, qui reste au pouvoir de nombreuses années après la guerre. La communauté internationale dénonce les abus de pouvoir dont il a fait preuve, notamment auprès des communautés tamoules en créant de véritables camps pour les enfermer. Plus de 36 000 personnes se retrouvent déplacées dans ces lieux de détention, sous surveillance de l’armée, avec une suspicion permanente d’appartenir au LTTE. Ces réfugiés sont bien plus considérés comme des prisonniers, et la question des droits de l’hommes entre rapidement en question. En effet, le gouvernement refuse toute intervention des ONG ou d’organisations extérieures au pays. La population se sent délaissée et a l’impression que le gouvernement préfère conserver son image plutôt que de la sauver. Il y a un abandon total de la confiance envers les responsables politiques et leurs actions. Toutes les pertes civiles sont attribuées au LTTE et le président se cache sans cesse derrière la lutte face au terrorisme. Cependant, il reste tout de même accusé de n’accorder aucune importance à la vie humaine, laissant des milliers de Tamouls dans l’oubli. Même si la situation s’est améliorée, le gouvernement continue de privilégier la population tamoule. Les séquelles politiques sont importantes : le système ne répond absolument pas aux aspirations de la minorité, le gouvernement revêt un caractère dictatorial, on parle presque d’une militarisation de la société tamoule. Il faut attendre 2015 pour que l’Etat sri lankais retrouve un aspect plus égalitaire et démocratique. L’élection de Maithripala Sirisena donne un nouveau souffle à la communauté tamoule, qui a vécu dans l’horreur et la violence pendant près de cinquante ans.

Le conflit opposant la minorité tamoule à la communauté cingalaise s’est donc illustré comme un problème à la fois religieux, territorial ou encore politique. La LTTE, organisation terroriste, s’est opposée pendant près de trente ans à l’armée et au gouvernement cingalais, dans un huis clos, bien loin de la communauté internationale. La dérive autoritaire du président et de son pouvoir, à la fin du conflit, n’a pas vraiment amélioré la situation pour une communauté tamoule en minorité numérique, mais également peu influente culturellement et religieusement. Cependant, il est possible de croire à un renouveau de ce système hiérarchique et discriminatoire. Beaucoup d’auteurs parlent du « Printemps sri-lankais », qui, à l’image du « Printemps arabe », engagerait la population jeune et étudiante à se manifester vis-à-vis des problèmes démocratiques que connaît le pays. Malheureusement, le retour au pouvoir d’un nationaliste cingalais, membre du clan Rajapaksa, semble freiner ces ambitions d’un Etat égalitaire et démocratique.

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Le conflit Tamouls-Cingalais au Sri Lanka

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E. MEYER et D. MADAVAN, Sri Lanka!: les séquelles de la guerre, Hérodote, 2015.
D. MADAVAN, Sri Lanka!: la lutte contre le terrorisme et la catastrophe humanitaire.
E. PAVEY, Les Kamikazes sri-lankais.
P. PRAKASH, Chassée avec les Tigres, Vavuniya, 2009.
N. WICKRAMASINGHE, Tamoul séparatisme, encyclopédia universalis.
Introduction.
Le Sri Lanka, une île au sud de l’Inde, a connu pendant près de trente ans une guerre
entre Tamouls et Cingalais. Causant entre 70!000 et 80!000 morts, elle a officiellement pris fin
en 2009, lorsque le gouvernement de Mahinda Rajapaksa écrasa les guérillas de son opposant.
L’île connaissait depuis 1945 des tensions entre les différentes communautés résidant en son
sein, et l’équilibre entre la majorité cingalaise et la minorité tamoule était difficile à trouver.
Dès 1956, des violences éclatent entre les deux opposants, à Colombo, la capitale de l’île. En
1957 un accord est signé, mais il est rompu seulement un an plus tard, provoquant un
envenimement des relations. Le conflit semble imminent. La nouvelle constitution de 1972
n’améliore pas la situation, puisqu’elle favorise la population cingalaise, qui est majoritaire
sur l’île. En réponse à cela, les Tamouls décident de créer un parti séparatiste, les Tamil New
Tigers, dont Velupillai Prabhakaran est le président. Il souhaite un Etat indépendant et laïque,
permettant ainsi de réduire l’influence cingalaise et bouddhiste sur l’ensemble du Sri Lanka.
Ce conflit semble donc entremêler plusieurs problématiques. D’un côté des envies
d’émancipations, tant sur le plan religieux que culturel, et de l’autre une volonté
d’indépendance, de créer un véritable «!Etat tamoul!» au sein d’un pays qui ne leur est pas
familier. Il est difficile de chiffrer de manière précise les combattants, le nombre de blessés ou
encore de morts, car ce conflit se fit en grande partie à l’écart des médias et de la communauté
internationale. On peut réellement parler d’une «!guerre!», dépassant les limites de la simple
guérilla. Le développement du terrorisme et les moyens de répression mis en place par le
gouvernement ont été à de nombreuses reprises ambiguës et ont pour la plupart du temps
franchi les limites vis-à-vis des populations civiles, impliquées malgré elles dans le conflit.
= Comment ce conflit aux revendications idéologiques et identitaires s’est-il transformé en
véritable «!huis clos!» entre le LTTE et le gouvernement!?
Les revendications d’une minorité.
Un conflit d’une apparente nature idéologique et identitaire...
Le Sri Lanka est majoritairement composé de Cingalais, population bouddhiste qui, en
1981, peuple 74% de l’île. Dans une société dominée par le système de castes, ils se trouvent
tout en haut de l’échelle et dominent les intouchables, les Tamouls. Ces derniers sont
majoritairement hindouistes, et par définition «!ennemis!» des bouddhistes. Cependant c’est
plus compliqué que cela, car cette communauté est hétérogène, également peuplée de
musulmans et de chrétiens. Le conflit dépasse donc la notion de religion, même si les tensions
naissent en partie à cause de ce facteur.