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Résumé Jacques le Fataliste

L2 Humanités - Cours sur Diderot/Jacques le Fataliste
Matière

Humanités (UE4)

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Année académique : 2016/2017
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Université de Lille

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Aperçu du texte

Deux personnages, un valet et son maître, chevauchent plus ou moins paisiblement sur des routes,

vers une destination qui restera inconnue, s'arrêtent dans des auberges, devisent à bâtons rompus : questions philosophiques, souvenirs intimes, anecdotes... Au fil de leur voyage, d'autres individus de rencontre y vont aussi de leurs récits, et voilà que s'ouvrent de nouveaux tiroirs, qui multiplient les niveaux temporels et les registres, ou confondent allègrement la réalité et la fiction. Par-dessus tout, un narrateur souverain ne cesse d'intervenir, proposant au lecteur un étrange pacte narratif :

« Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? d'embarquer Jacques pour les îles? d'y conduire son maître? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau? Qu'il est facile de faire des contes! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai. »

Par cette liberté, Jacques le Fataliste ne pouvait manquer de rencontrer les lecteurs modernes et prend toute sa place dans l'objet d'étude "Le personnage de roman". De tous les ouvrages de Diderot, il est le plus commenté, le plus glosé. Malgré la richesse et la variété de la critique, et peut-être à cause d'elles, Jacques demeure d'une complexité et d'une opacité redoutables. Toute interprétation péremptoire risque de susciter une opinion contraire. Dès la première lecture, l'ouvrage est déconcertant. La première explication que l'on peut fournir à cette impression de tissu d'Arlequin, c'est la genèse même du roman, à laquelle on peut assigner un devenir de près de vingt ans. Conçu à partir de 1765, il paraît d'abord en feuilleton dans la revue de Grimm, La Correspondance littéraire, de 1778 à 1780, mais Diderot ne cesse de l'augmenter jusqu'à sa mort, et l'œuvre qui, en 1771, comptait 125 pages, en atteignait 200 en 1778, 208 en 1780, 287 en 1783. Le cas n'est pas isolé chez Diderot : la genèse du Neveu de Rameau, du Rêve de l'Alembert, du Supplément au Voyage de Bougainville, du Paradoxe sur le comédien, révèle chaque fois le même étalement dans le temps, la même technique du "bourrage". Faut-il parler de "bricolage" dans le sens de Lévi-Strauss? Il faut se féliciter en tout cas de disposer d'une œuvre à 1a fois éclatée et réparée qui permet d'observer en plein travail le génie créateur de Diderot, par l'utilisation habile d'une matière littéraire déjà étiquetée. Pour l'essentiel, en effet, il puise sa première mouture dans le roman de Lawrence Sterne Vie et opinions de Tristram Shandy (1759-1763), mais ne cesse de l'enrichir d'emprunts, d'anecdotes glanées çà et là. « Tout le délire de cette faculté d'imagination se réduit au talent de ces charlatans qui, de plusieurs animaux dépecés, en composent un bizarre qu'on n'a jamais vu en nature », dit Bordeu dans le Rêve de d'Alembert. Sur cette conception empirique de l'activité de l'esprit, Diderot n'a jamais varié, et c'est elle aussi qui préside aux qualités, et à l'énergie, du lexicographe de l’Encyclopédie.

le voyage picaresque →

les amours de Jacques ←

digressions ↑ commentaires ↓

Première journée (pp. 42-48)

Commencée à la belle étoile, elle s'achève à l'auberge des voleurs.

Jacques entreprend l'histoire de ses amours : son arrivée, blessé au genou, à la maison du paysan.

Deuxième journée (pp. 48-62)

A cheval, Jacques et son maître arrivent dans un lieu qu'on apprendra être une auberge, à Conches, puis la demeure d'un ami lieutenant.

Jacques raconte sa première nuit chez le paysan et rapporte le dialogue que celui-ci eut avec sa femme.

Troisième journée (pp. 62-105)

A cheval, Jacques est emporté puis blessé par le cheval du bourreau. Il est veillé par son maître dans une nouvelle auberge.

Jacques continue son histoire (détails de l'opération chirurgicale). Il se met en pension chez le chirurgien.

Quatrième journée (pp. 105-127)

A cheval, Jacques et son maître atteignent un gîte. L'hôtesse se lamente des blessures infligées par deux bourgeois à sa chienne Nicole, que nos deux héros prennent d'abord pour sa servante.

Jacques raconte son séjour chez le chirurgien qui lui soutire 24 francs par jour. Il secourt une miséreuse puis, détroussé par des brigands, se retrouve sans un sou. Il refuse de manger, quand un carrosse vient le chercher.

la vérité et le talent (histoire du poète de Pondichéry) l'esprit de chevalerie

thème du fatalisme liberté romanesque.

le frère de Jacques histoire de Le Pelletier histoire du capitaine et de son ami Gousse.

pause : Gousse en prison histoire du pâtissier et de la pâtissière

La structure révèle tout d'abord un refus de la linéarité. On peut parler ici d'une construction "spiralée", comme en caducée, où les motifs s'enroulent autour du pilier central, le voyage. Ceci est moins original qu'il n'y paraît : les récits enchâssés se retrouvent souvent dans le roman de l'époque, notamment le roman picaresque (qu'on pense à Don Quichotte ou au Gil Blas de Santillane de Lesage), où l'itinéraire du héros croise la route d'autres personnages, eux-mêmes assez pittoresques et bavards pour ouvrir le champ à leurs histoires. Ce qui importe davantage ici, c'est la persistance des mêmes motifs, qui s'entrelacent d'une manière plus ordonnée que la fantaisie apparente de la composition ne le laisse prévoir. C'est dire que sous le désordre et les discontinuités, l'unité harmonique des thèmes, loin de révéler, à l'exemple du Nouveau Roman, l'absurdité de la vie, découvre une logique complexe, un ordre musical.

Les thèmes chronologiques :

D'abord celui du voyage. Il fournit des repères temporels fugaces mais cohérents (huit journées aisément identifiables par les haltes dans les auberges ou les départs matinaux). Cependant nous ne trouvons pas ici l'exactitude scrupuleuse des temps et des lieux propres au roman picaresque et reprise dans le Gil Blas de Lesage, par exemple. Ce n'est pas dans la chronologie du voyage que nous trouvons les intentions réelles de Diderot, mais plutôt dans sa contestation. Car, au vrai, il ne s'y passe rien, ou pas grand-chose, en dehors d'une précipitation inattendue des péripéties finales, où le maître retrouve le chevalier de Saint-Ouen et se venge en le tuant de son ancienne traîtrise. Passé et présent, "réalité" et fiction se rejoignent alors dans une confusion qui manifeste chez le narrateur un refus délibéré de fournir quelque dénouement que ce soit. Par cette liberté, cette fausse improvisation où les détours de l'intrigue sont ceux des chemins, Jacques le Fataliste appartient, plus qu'au picaresque, à ce genre problématique qu'on a commencé à nommer « littérature itinérante ».

Huitième journée et fin possible des aventures (pp. 291-304)

Jacques et son maître arrivent à la maison de la nourrice où est élevé le fils que ce dernier a accepté de reconnaître. Le maître tue le chevalier de Saint- Ouen et s'enfuit. Jacques est mené en prison. [Il est possible que Jacques, recruté dans la bande de Mandrin, retrouve le château de Desglands, dont il deviendra le concierge, et épouse Denise.]

Les amours de Jacques connaissent un dénouement hypothétique (scène de la dispute, scène du massage).

le voyage picaresque →

les amours de Jacques ←

digressions ↑ commentaires ↓

 fantaisie du narrateur. La fin du roman est présentée, par l'éditeur, comme un brouillon douteux.

Deuxième fil, le récit des amours de Jacques. Insérée par épisodes dans les étapes du voyage sur le ton badin de la conversation, l'histoire amoureuse de Jacques consacre sa liberté de narrateur : son récit rétrospectif s'interrompt et rebondit, faisant partager au lecteur l'agacement du maître. Ici encore, les caractéristiques du roman rejoignent celles d'un genre prisé à l'époque, le roman libertin cette fois : au réalisme des situations, s'ajoute une connivence salace entre Jacques et son maître qui reste un des fils de l'écheveau que le lecteur est le plus avide de suivre! Leur relation très libre, dégagées des schémas sociaux, évoque à plus d'un titre d'autres couples du même acabit, hérités de la comédie de mœurs : Don Juan et Sganarelle, bien sûr, mais aussi plus largement la relation maître-valet propre à la commedia dell'arte.

! Les digressions romanesques : Elles constituent plus de la moitié du texte et rongent délibérément le schéma précédemment décelé, si bien qu'on peut parler d'un art baroque où la décoration l'emporte sur 1a structure centrale. La confusion s'augmente de la difficulté de distinguer les récits attribués à l'auteur et les récits annexes de Jacques apparentés à celui de ses amours. Cependant l'analyse permet de déceler quatre groupes : Une nouvelle romanesque, l'histoire de M. des Arcis et de Mme de la Pommeraye, comporte à

elle seule une cinquantaine de pages. Elle est inspirée à Diderot par l'histoire de M. Des Frans et de Silvie, la sixième des Illustres Françaises de Robert Challe (1713. Laclos s'en souviendra aussi pour Les Liaisons dangereuses). Sur le thème de la vengeance amoureuse, elle possède un rythme propre de lenteur et d'accélération, au point que Schiller, en 1785, 1'a isolée dans sa traduction et qu'on trouve, encore aujourd'hui, des éditions à part de ce petit chef-d'œuvre (Robert Bresson en a fait la matière de son film, Les Dames du Bois de Boulogne). Pour la relier à l'ensemble, Diderot y intercale neuf interruptions de l'hôtesse et plusieurs récits annexes, points de soudure assez artificiels, et, surtout, fait intervenir le marquis des Arcis en personne au détour du voyage de nos deux héros. Deux nouvelles "exemplaires", l'histoire du chevalier de Saint-Ouen et celle de l'abbé Hudson, développent le thème de la perfection dans le mal. On y trouve un goût réaliste pour la peinture des bas-fonds : voleurs, prostituées, receleurs, marchands â la toilette, usuriers, policiers. La première, trente pages environ, se découpe en trois épisodes - le fils de famille, l'amant berné, le flagrant délit

  • arbitrairement coupés par des réflexions morales et esthétiques et par l'histoire de l'emplâtre de Desglands. Mais le lien avec l'ensemble n'a rien d'artificiel puisque l'ami berné de Saint-Ouen est le maître de Jacques et que son histoire permet une des conclusions de l'ouvrage : la rencontre chez la nourrice du bâtard et le duel. L'abbé Hudson se déroule en douze pages d'un seul tenant, précédées par le thème des fausses vocations. Le fait que le narrateur est le marquis des Arcis et la victime son secrétaire Richard constitue cependant un lien léger avec l'ensemble. Un cycle paysan, relativement autonome, est lié à l'enfance de Jacques et à son initiation sexuelle. Le réalisme paysan s'oppose au réalisme urbain des nouvelles précédentes. Le langage lui-même change de registre. Les Deux Carmes, l'Histoire de Jason le brocanteur, Justine et les deux Bigre, Suzanne, Marguerite, Suzon et le vicaire enfourché nous rappellent les Cent nouvelles ou le Décaméron de Boccace. A l'unité du décor répond l'unité du thème : la liberté sexuelle. L'éloge de l'obscénité en littérature forme la conclusion la plus naturelle du cycle. Une galerie d'originaux, grappe d'histoires courtes, dont la mise en scène et l'approfondissement

sont plus ou moins élaborés : le poète de Pondichéry et M. Le Pelletier, le cycle de Desglands et le cycle de Gousse, l'histoire du pâtissier et de la pâtissière, sans omettre la fable de la Gaine et du Coutelet. C'est donc une matière romanesque considérable que Diderot met en œuvre, en prenant soin le plus souvent d'éviter ce qu'il appelle « l'insipide rhapsodie des faits » : avec plus ou moins de

réclame d'une certaine vraisemblance. Quoi qu'il en soit, la matière du roman dans son ensemble semble répondre, dans ses lignes brisées, à une esthétique de la fantaisie et de la surprise qui a pu faire parler d'"antiroman". Ainsi, lorsque le narrateur propose à son narrataire deux pistes différentes, faisant mine de lui "laisser les clefs" dans la conduite du récit, un peu comme dans nos modernes "jeux de rôles" : «[...] Mais voilà le maître et le valet séparés, et je ne sais auquel des deux m'attacher de préférence. Si vous voulez suivre Jacques, prenez-y garde; la recherche de la bourse et de la montre pourra devenir si longue et si compliquée, que de longtemps il ne rejoindra son maître, le seul confident de ses amours, et adieu les amours de Jacques. Si, l'abandonnant seul à la quête de la bourse et de la montre, vous prenez le parti de faire compagnie à son maître, vous serez poli, mais très ennuyé; vous ne connaissez pas encore cette espèce-là », etc. A d'autres instants, le narrateur s'engage dans des considérations esthétiques qui peuvent paraître déplacées : sur la lascivité en littérature, notamment, et surtout sur le roman lui-même, à propos duquel l'exigence de vérité et de réalisme côtoie sans aucune gêne les marques de la fantaisie et de l'imagination. Allons pourtant examiner de plus près cette incohérence apparente.

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Humanités : Diderot et Jacques le Fataliste
Deux personnages, un valet et son maître, chevauchent plus ou moins paisiblement sur des routes,
vers une destination qui restera inconnue, s'arrêtent dans des auberges, devisent à bâtons rompus :
questions philosophiques, souvenirs intimes, anecdotes... Au fil de leur voyage, d'autres individus
de rencontre y vont aussi de leurs récits, et voilà que s'ouvrent de nouveaux tiroirs, qui multiplient
les niveaux temporels et les registres, ou confondent allègrement la réalité et la fiction. Par-dessus
tout, un narrateur souverain ne cesse d'intervenir, proposant au lecteur un étrange pacte narratif :
!« Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire
attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et
en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de
marier le maître et de le faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? d'y conduire son maître ?
de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ? Qu'il est facile de faire des contes !
Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai. »
!Par cette liberté, Jacques le Fataliste ne pouvait manquer de rencontrer les lecteurs modernes et
prend toute sa place dans l'objet d'étude "Le personnage de roman".
!! De tous les ouvrages de Diderot, il est le plus commenté, le plus glosé. Malgré la richesse et la
variété de la critique, et peut-être à cause d'elles, Jacques demeure d'une complexité et d'une opacité
redoutables. Toute interprétation péremptoire risque de susciter une opinion contraire. Dès
la!première lecture, l'ouvrage est déconcertant. La première explication que l'on peut fournir à cette
impression de tissu d'Arlequin, c'est la genèse même du roman, à laquelle on peut assigner un
devenir de près de vingt ans. Conçu à partir de 1765, il paraît d'abord en feuilleton dans la revue de
Grimm, La Correspondance littéraire, de 1778 à 1780, mais Diderot ne cesse de l'augmenter jusqu'à
sa mort, et l'œuvre qui, en 1771, comptait 125 pages, en atteignait 200 en 1778, 208 en 1780, 287 en
1783. Le cas n'est pas isolé chez Diderot : la genèse du Neveu de Rameau, du Rêve de l'Alembert,
du Supplément au Voyage de Bougainville, du Paradoxe sur le comédien, révèle chaque fois le
même étalement dans le temps, la même technique du "bourrage". Faut-il parler de "bricolage" dans
le sens de Lévi-Strauss ? Il faut se féliciter en tout cas de disposer d'une œuvre à 1a fois éclatée et
réparée qui permet d'observer en plein travail le génie créateur de Diderot, par l'utilisation habile
d'une matière littéraire déjà étiquetée. Pour l'essentiel, en effet, il puise sa première mouture dans le
roman de Lawrence Sterne Vie et opinions de Tristram Shandy !(1759-1763), mais ne cesse de
l'enrichir d'emprunts, d'anecdotes glanées çà et là. « Tout le délire de cette faculté d'imagination se
réduit au talent de ces charlatans qui, de plusieurs animaux dépecés, en composent un bizarre
qu'on n'a jamais vu en nature », dit Bordeu dans le Rêve de d'Alembert. Sur cette conception
empirique de l'activité de l'esprit, Diderot n'a jamais varié, et c'est elle aussi qui préside aux
qualités, et à l'énergie, du lexicographe de l’Encyclopédie.
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