Passer au document

Le portrait dérobé - La princesse de Clève

Le portrait dérobé - extrait rédigé
Matière

Littératures Plurielles

90 Documents
Les étudiants ont partagé 90 documents dans ce cours
Partagé par:
Étudiant Anonyme
Ce document a été téléchargé par un étudiant, tout comme toi, qui a décidé de rester anonyme.
Université de Toulon

Commentaires

Merci de s'identifier ou s’enregistrer pour poster des commentaires.

Aperçu du texte

La princesse de Clèves

Scène du portrait dérobé -

À y regarder de près, cet extrait dégage un aspect théâtral, celui de l’être et du paraitre s’associant avec le théâtre de la cour et celui des sentiments. Pour commencer, concernant les circonstances de la scène nous repérons les trois règles du théâtre classique, c’est-à-dire l’unité de lieu « chez elle » (ligne 5) « dans ce même lieu » (ligne 26), l’unité de temps « ce jour là » (ligne 8) et l’unité d’action qui est celle du « portrait dérobé ». Nous pouvons penser que le « rideau » derrière lequel se cache Mr de Nemours fait partie du décor théâtral. Puis nous pouvons confondre une expression comme étant une didascalie de théâtre « Madame Dauphine était assise sur le lit et parlait bas à Madame de Clèves » Madame de Lafayette semble décrire les personnages et les objets comme si elle était metteur en scène. Certaines circonstances sont propices au déguisement notamment lorsque Madame Dauphine voit Madame de Clèves qui celle-ci, voit Monsieur de Nemours, cela provoque l’embarras et en même temps l’aspect comique. Le jeu de scène de Monsieur de Nemours, qui se passe hors champ, et que seul Madame de Clèves voit « elle vit que, sans tourner la tête, il prenait adroitement quelque chose sur cette table » est parfaitement comparable à une scène théâtrale.

Cette scène se déroule donc dans la cour où se trouve Madame de Clèves. Or, nous savons qu’à l’époque, la cour était un lieu du paraitre rempli de faux- semblant et d’illusions, comme au théâtre. De nombreuses phrases comme « sans laisser paraitre qu’il les cherchât » (lignes 7-8) « il n’osait pourtant avoir les yeux attachés sur elle pendant qu’on la peignait » (lignes 10-11), « il craignait de laisser trop voir le plaisir qu’il avait de la regarder » soulignent l’importance du regard. En effet l’embarras, l’inquiétude que peut ressentir Monsieur de Nemours à laisser transparaitre ses sentiments envers la princesse sont mis en avant ici uniquement par crainte d’être juger du regard des autres. Ensuite, comme il est précisé dans le texte « tout le monde dit son sentiment de l’un et de l’autre » (lignes 15-16), cette phrase pourrait justifier le fait que tout le monde donne son avis dans ce monde clos. Cela pourrait sous-entendre que ce cadre serait étouffant, que tout le monde se mêlerait des affaires des autres, ne laissant pas de place à la vie privée. Ce qui rejoint d’autant plus l’effet illusoire et vicieux de la cour. Le mot « publiquement » (ligne 44) ressort dans la phrase « mais en le demandant publiquement, c’était apprendre à tout le monde les sentiments que

ce prince avait pour elle » nous soulevons une fois de plus la pudeur de la princesse face au « public » de la cour, laissant paraitre de fausses illusions. Mais à travers le paraitre nous pouvons identifier l’être, dans ce théâtre de la cour nous remarquons aussi celui de l’amour entre deux êtres. Se développe alors un espace du particulier, de l’intime s’éloignant du paraitre pour laisser place aux sentiments intérieurs. À l’égard du paraitre des personnages de la cour, le secret de Mme de Clèves et Mr de Nemours reste bien conservé entre les deux. Le champ lexical du regard est omniprésent tout au long de la scène « voir Mme de Clèves » (ligne 7) « les yeux attachés sur elle » (ligne 10) « laisser trop voir » « la regarder » « pour le voir » « lorsqu’il vit » « aperçut » « il rencontra les yeux » « qu’elle eut vu » etc. Ce duel du regard se contraste avec le regard du paraitre de la cour. Les amants semblent être complètement dans leur intimité, dans leur monde opposé à celui de la cour où la passion les envahit. Ici le regard souligne le lien amoureux mais se réfère aussi au spectacle.

Lorsque Mr de Nemours se rend compte que la princesse l’a vu dérober le portrait il vient vers elle et lui parle « tout bas » (ligne 52) cela accentue l’importance du secret qu’ils gardent tous les deux et renforce leur complicité. D’ailleurs celle-ci lui accorde « une faveur » en gardant pour elle le mystère de cette action. Cette scène rappelle le faux-semblant du couple puisqu’à travers leur intimité, on peut penser qu’ils masquent leur sentiment envers eux et la cour. En effet Mr de Nemours rappelle que ce n’est pas dans ses habitudes de voler « si vous avez vu ce que j’ai osé faire » (ligne 53), par le terme « ce que j’ai osé faire » il indique au lecteur que ce qu’il vient de se produire n’est dû qu’à la spontanéité de ses sentiments. Aussi, nous pouvons relever le paradoxe de deux situations différentes entre la pudeur du prince qui « alla se renfermer chez lui, ne pouvant soutenir en public la joie d’avoir un portrait de Madame de Clèves » (lignes 59-60) enchainé par le superficiel de la cour lorsque Madame la Dauphine « sortit pour aller promener, suivie de toutes les dames ». L’être et le paraitre sont bien visibles à travers une mise en scène masqué et sentimental, en vain nous pouvons aussi traiter la question du triangle amoureux dans ce spectacle. Un schéma théâtral comique se fait voir à travers le trio : mari trompé, amant et la femme, comme par exemple avec le personnage Mr de Nemours lorsque le narrateur précise « il ne put résister à l’envie de le dérober à un mari qu’il croyait tendrement aimé », l’amant ne choisit pas n’importe quel portrait, il vole celui qui appartient au mari de la princesse, donc à travers cette phrase nous soulevons l’aspect humoristique voir satirique concernant la naïveté du mari, confiant se croyant aimé par Mme de Clèves, qui est pourtant trompé. Ensuite, nous pouvons supposer une déclaration déguisée concernant Mr de Nemours dans cette scène théâtralisée, notamment lorsqu’il est dit « il aimait la plus aimable personne de la

amoureux a l’air de bouleverser chacun des personnages concernés, entre les non-dits, l’humour, l’opposition de la passion et de la raison des deux amants, puis la naïveté du mari. Mais cet amour entre les amants semble être qu’une illusion, un théâtre, puisque tout passe par le virtuel. Il n’y a pas forcément de contact entre eux dans cette scène. Par cela on pourrait sous-entendre la prolepse finale du roman puisque cette passion amoureuse ne débouchera pas sur une relation concrète et causera la perte du mari. Mme de Lafayette marque le ressort des sentiments et semble vouloir peindre l’âme humaine ici.

Bien que le roman de Mme de Lafayette La Princesse de Clèves soit difficile à différencier le genre, qualifié même d’ « oeuvre inclassable », entre le romanesque galant, précieux, classique et historique. En vain, nous pouvons penser que la romancière s’interroge avant tout sur la nature humaine en étudiant la conduite et la psychologie des personnes. Lorsque nous lisons La Princesse de Clèves nous pouvons donc penser à une fiction philosophique inscrite dans un cadre historique disposant d’une importante véracité de l’analyse psychologique. Outre le fait que Mme de Lafayette ait été influencée par le courant janséniste de l’époque enseignant une morale austère, celle-ci pourrait se démarquer en tant que moraliste. Proche des contemporains de son époque comme par exemple l’écrivain La Bruyère grand moraliste qui a sans doute le mieux connu le coeur humain. L’écrivaine traite de la morale dans ce passage puisque nous voyons bien que Mme de Clèves reste distante face à la passion, de nombreuses fois elle ne manque pas de se raisonner, cherchant même à fuir. Cette héroïne du livre dégage une importance dans la façon qu’elle a de vouloir conduire sa vie et ses actions; les moeurs semblent être primordiaux pour elle, jusqu’à la fin du roman où elle optera pour la solitude en entrant au couvent, dans une vie de piété, pour répondre à la vertu. Mais cette morale est presque sophistique puisque dans son intériorité, la princesse aimerait bien céder au prince de Nemours. Bien que Mr de Nemours prenne des risques en dérobant le portrait « il pensa que parmi tant de personnes qui étaient dans ce même lieu, il ne serait pas soupçonné plutôt qu’un autre » nous constatons que pendant un moment lui aussi, met en place un raisonnement rationnelle face à la situation. La raison deviendrait donc un instrument de combat face aux aléas de la passion amoureuse. D’autant plus, ici la vision de l’amour s’oriente vers le pessimisme de l’âme humaine, Mme de Lafayette fait ressortir l’amour-propre des personnages en condamnant leur narcissisme comme il a été dit précédemment. Chaque personnage a une conduite différente face aux sentiments, que ce soit le mari qui parait naïf et insouciant, l’amant qui dévoile d’autant plus ses sentiments en apparaissant

comme le héros qui vole le portrait de la femme aimée puis Mme de Clèves se montrant incernable et hésitante entre la lucidité et le lyrisme amoureux. Tout cela se rapportant aux symboles de l’amour-propre.

Pour conclure, cette scène affirme la passion de M. de Nemours et pointe celle de Mme de Clèves, ainsi que la jalousie qui causera la perte de M. de Clèves. De la perfection native de l’héroïne aristocratique des romans, on passe à la prise de conscience d’une âme entrainée par la passion : c’est l’intériorité des personnages qui prime et qui se construit au fur et à mesure que les sentiments naissent. La question de l’amour se rapproche de l’esthétique galante et précieuse. Mais l’impuissance de la morale, l’héroïsme de la lucidité, le choix éthique de la vertu font de La Princesse de Clèves un roman philosophique ou plutôt « un poème de la condition humaine ». Ce qui importe avant toute chose pour Mme de Lafayette c’est l’être et sa conduite. D’ailleurs on peut supposer dans cette scène, que celle-ci réécrit une certaine nostalgie d’un amour pur entre deux êtres sincères. Nous pouvons rapprocher cet extrait avec celui de la première rencontre au bal des deux amants qui se trouve dans la première partie du livre. L’importance du regard, le cadre prestigieux, le peu de paroles échangés entre les deux sont aussi mis en évidence mais plus important encore, les deux scènes montrent les commencements d'une passion qui sera fatale, condamnée d’avance.

Ce document a-t-il été utile ?

Le portrait dérobé - La princesse de Clève

Matière: Littératures Plurielles

90 Documents
Les étudiants ont partagé 90 documents dans ce cours
Ce document a-t-il été utile ?
La princesse de Clèves
Scène du portrait dérobé -
À y regarder de près, cet extrait dégage un aspect théâtral, celui de l’être et
du paraitre s’associant avec le théâtre de la cour et celui des sentiments. Pour
commencer, concernant les circonstances de la scène nous repérons les trois
règles du théâtre classique, c’est-à-dire l’unité de lieu «!chez elle!» (ligne 5) «!dans
ce même lieu!» (ligne 26), l’unité de temps «!ce jour là!» (ligne 8) et l’unité d’action
qui est celle du « portrait dérobé!». Nous pouvons penser que le «!rideau!»
derrière lequel se cache Mr de Nemours fait partie du décor théâtral. Puis nous
pouvons confondre une expression comme étant une didascalie de théâtre
«!Madame Dauphine était assise sur le lit et parlait bas à Madame de Clèves!»
Madame de Lafayette semble décrire les personnages et les objets comme si elle
était metteur en scène. Certaines circonstances sont propices au déguisement
notamment lorsque Madame Dauphine voit Madame de Clèves qui celle-ci, voit
Monsieur de Nemours, cela provoque l’embarras et en même temps l’aspect
comique. Le jeu de scène de Monsieur de Nemours, qui se passe hors champ, et
que seul Madame de Clèves voit «!elle vit que, sans tourner la tête, il prenait
adroitement quelque chose sur cette table!» est parfaitement comparable à une
scène théâtrale.
Cette scène se déroule donc dans la cour se trouve Madame de Clèves. Or,
nous savons qu’à l’époque, la cour était un lieu du paraitre rempli de faux-
semblant et d’illusions, comme au théâtre. De nombreuses phrases comme «!sans
laisser paraitre qu’il les cherchât!» (lignes 7-8) «!il n’osait pourtant avoir les yeux
attachés sur elle pendant qu’on la peignait!» (lignes 10-11), «!il craignait de laisser
trop voir le plaisir qu’il avait de la regarder!» soulignent l’importance du regard.
En effet l’embarras, l’inquiétude que peut ressentir Monsieur de Nemours à
laisser transparaitre ses sentiments envers la princesse sont mis en avant ici
uniquement par crainte d’être juger du regard des autres. Ensuite, comme il est
précisé dans le texte «!tout le monde dit son sentiment de l’un et de
l’autre!» (lignes 15-16), cette phrase pourrait justifier le fait que tout le monde
donne son avis dans ce monde clos. Cela pourrait sous-entendre que ce cadre
serait étouffant, que tout le monde se mêlerait des affaires des autres, ne laissant
pas de place à la vie privée. Ce qui rejoint d’autant plus l’effet illusoire et vicieux
de la cour. Le mot «!publiquement!» (ligne 44) ressort dans la phrase «!mais en le
demandant publiquement, c’était apprendre à tout le monde les sentiments que