Passer au document

Cours 1

cours sur la dictatique du français en science de l education l3 cned
Matière

inclusion des eleve en difficulté

8 Documents
Les étudiants ont partagé 8 documents dans ce cours
Année académique : 2021/2022
Partagé par:
Étudiant Anonyme
Ce document a été téléchargé par un étudiant, tout comme toi, qui a décidé de rester anonyme.
Centre National d'Enseignement à Distance

Commentaires

Merci de s'identifier ou s’enregistrer pour poster des commentaires.

Studylists liées

psychologie

Aperçu du texte

cned

DIDACTIQUE

DU FRANÇAIS

####### Karine Anière – Hélène Crocé-Spinelli – Marielle Rispail – Sophie Briquet-Duhazé

Licence de sciences de l’éducation

COURS

8 7019 TG WB 00 Page 2

Sommaire Didactique du français

Sommaire

####### Introduction

####### Chapitre 1 : Dimension historique

1. Pédagogie ou/et didactique? ................................................................................... 7 2. Les dénominations ........................................................................................................ 8 3. Quelques repères historiques .................................................................................... 9 4. Des questions contemporaines ............................................................................... 16

####### Chapitre 2 : La constitution de la didactique comme champ

1. Les disciplines contributoires ................................................................................... 2. Langue et communication ........................................................................................ 21 3. Quelques concepts de la didactique ..................................................................... 23 4. Quelques points forts actuels ................................................................................. 30

####### Chapitre 3 : Monde de l’écrit, monde de l’oral

1. Le monde de l’écrit ..................................................................................................... 36 2. Monde de l’oral ........................................................................................................... 44 3. Écrit / oral, les interactions ........................................................................................ 45 4. Place de la langue dans la classe de français ..................................................... 49 5. La notion de littéracie ................................................................................................ 55 6. L’oral et l’écrit pour penser et apprendre ........................................................... 55 7. La place de la littérature ........................................................................................... 60

####### Chapitre 4 : Didactique des français : des situations et des publics

####### spécifiques

1. Le jeune enfant ............................................................................................................ 64 2. Les publics non francophones ................................................................................. 66 3. Le français au secondaire .......................................................................................... 4. Le français pour les adultes : à l’université, dans le monde du travail ..... 69 5. Apprendre hors de l’école ........................................................................................ 70

####### Chapitre 5 : Didactique du français et société

1. Pratiques langagières ................................................................................................. 72 2. Le poids des interactions .......................................................................................... 73 3. Didactique et pratiques sociales ............................................................................. 76 4. Le français en contact avec d’autres langues ..................................................... 77 5. Institution, programmes, évaluations nationales dans le contexte français ................................................................................................................................ 79 6. Des outils pour la classe ............................................................................................ 82

8 7019 TG WB 00 Page 4

Introduction Didactique du français

Introduction

Bonjour et bienvenue dans ce cours de didactique du français 1. Nous espérons faire avec vous un chemin agréable, parsemé de découvertes, d’étonnements, bref de questions plus que de réponses. Nous espérons surtout vous donner envie d’aller plus loin, d’enseigner et de vous ren- seigner, sur le français, son enseignement et sa rencontre quotidienne avec d’autres langues.

Peut-être enseignez-vous déjà? Ou avez-vous envie d’enseigner, ou êtes-vous sur le point d’entrer dans la « carrière » – dans le sens de « voie » ou « chemin »? Vous avez choisi de faire une pause et de réfléchir avant de vous lancer. Car quelle est la différence entre enseignement et didactique? On peut dire, quitte à caricaturer un peu, que la didactique est une réflexion sur l’enseignement. Cela veut dire que l’un ne va pas sans l’autre et que ces deux expériences se nourrissent l’une de l’autre ; la didactique prend sa source dans le désir d’améliorer et de faire évoluer les pratiques d’enseignement ; quant à ces dernières, elles évoluent grâce aux analyses et aux propositions de la didactique. Loin de nous l’idée que l’enseignant(e) ne réfléchirait pas! Mais il est vrai que, pris(e) dans le feu de l’action et de la classe, on n’a pas toujours le temps de se pauser, de s’interroger, de choisir, d’inventer. Disons, toujours pour simplifier, qu’un(e) didacticien(ne) est quelqu’un qui double son expérience d’enseignement d’un temps de réflexion sur cet enseignement ; cette réflexion, qu’on pourrait appeler une activité « méta » (nous reviendrons sur cette notion), lui permet de dégager des questionnements, des savoir-faire, un regard critique, des pistes nouvelles, qui ont la particularité de dépasser son expérience personnelle et de pouvoir être utiles à d’autres. Ce transfert du particulier au général ou au moins au collectif, permet à la didactique d’être consi- dérée, au-delà d’une discipline, comme un domaine scientifique et de recherche à part entière.

Dans la mesure où ce domaine s’intéresse à l’éducation et à l’école, on peut dire qu’il fait partie des sciences de l’éducation ; dans la mesure où, pour le cours qui nous concerne, il vise l’ensei- gnement d’une langue, le français, on peut dire qu’il fait partie des Sciences du langage ; dans la mesure où, socialement, l’enseignement du français a été très marqué, que ce soit en tant que langue maternelle ou en tant que langue étrangère, par ses usages littéraires, on peut dire aussi que ce domaine fait partie de la littérature. Vous avez déjà deviné que, pour être plus exact, on définira la didactique du français comme un champ à l’intersection d’au moins trois domaines scientifiques : la littérature, les sciences de l’éducation et les sciences du langage. C’est la raison pour laquelle c’est une équipe plurielle qui a construit ce cours, chacune d’entre nous étant spé- cialiste d’un aspect ci-dessus de la didactique. Toutefois nous partageons toutes quatre l’expé- rience de la formation d’enseignant(e)s, à l’Université, au sein d’UFR ou d’ESPE. Bon voyage en notre compagnie!

De quoi est née la didactique? On peut dire qu’elle est venue de la constatation, peu glorifiante pour des enseignants, de l’échec scolaire – les esprits chagrins diront : d’un échec scolaire grandis- sant – et de l’envie de le dépasser en s’interrogeant sur ses causes. En effet, pendant des siècles, d’un enfant ou d’une personne qui ne réussissait pas à apprendre, on a dit : « il/elle est paresseux/ se, il/elle ne travaille pas assez, il/elle n’est pas douée(e) pour les maths, pour les langues, pour la musique, etc. ». Bref, c’était toujours de la faute de l’élève! Pourtant, quelques penseurs et phi- losophes avaient commencé à instiller le doute dans les esprits : Montaigne écrivait déjà dans ses Essais qu’il fallait se mettre (descendre ?) à la hauteur de l’élève pour enseigner, Rousseau un peu plus tard rêvait de professeurs qui comprendraient les élèves et les écouteraient : on annonçait ainsi que les « ratés » de l’apprentissage pourraient ne pas venir des seuls élèves.

1. Nous savons que le français est une langue en partage dans plusieurs pays, déclarés francophones ou pas. On nous pardonnera, sans nous y limiter, de prendre souvent nos exemples dans le contexte français, que nous connaissons mieux que les autres.

8 7019 TG WB 00 Page 5

Introduction Didactique du français

Au XXe siècle, avec la généralisation de l’école, le désir de scolariser tout le monde, le passage de la réussite sociale par la réussite scolaire, on a commencé à se rendre compte que, loin de donner ses chances à toutes et tous, l’école fabriquait aussi des « exclus sociaux ». Au point que le phénomène, lié au développement des sciences humaines, la psychologie et la sociologie entre autres, a posé de nouvelles questions au grand jour : et si le maitre 2 , le professeur, l’enseignant, avait aussi sa part de responsabilité dans l’échec scolaire? Et s’il existait plusieurs façons d’ensei- gner? Et si on devait aussi prendre en compte l’élève comme individu et pas seulement comme « page blanche » à remplir? Et si les études n’étaient pas faites pour créer une élite? Et si tout le monde pouvait réussir? La réflexion didactique est née de cette pensée généreuse et opti- miste et c’est sur ce chemin, pas toujours confortable, que nous avons le désir de vous entrainer.

Vous trouverez dans notre texte de nombreuses références à des penseurs issus de plusieurs dis- ciplines qui, de nos jours ou bien avant le 3e millénaire, ont essayé de se poser des questions et de leur trouver des réponses pour que l’école devienne pour toutes et tous un endroit non seule- ment des apprentissages partagés, mais aussi du désir de savoirs et de la socialisation en devenir. Comme vous le constatez, on ne peut séparer quelque enseignement que ce soit (ici du français) de son contexte social et des options qui l’accompagnent. Cela signifie que le cours que nous vous présentons ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’objectivité : nous pensons que ces préoccu- pations sont des leurres, car tout discours est situé socialement et idéologiquement, qu’il vienne d’universitaires, d’enseignants, de formateurs ou de toute personne socialement engagée. Nous allons donc vous présenter brièvement les options qui ont présidé à la conception de ce cours de didactique du français. Ce faisant, vous comprendrez le plan que nous avons adopté.

Nous posons d’abord que toute position pour penser la société (et l’école est partie prenante de la société) est le fruit d’une histoire. Rien ne nait ex nihilo , et ce que nous vivons a été préparé par ce que d’autres ont vécu avant nous. Cela explique l’importance de la dimension historique dans les pages qui viennent : impossible de parler d’évaluation, d’enseignement, d’élèves, de classe, d’activités, de grammaire, etc. sans se souvenir de ce qu’on en a dit et écrit dans les années, les décennies qui précèdent – voire davantage.

Une deuxième option est celle de l’exigence terminologique. Il nous a paru essentiel de définir les mots 3 que nous employons souvent couramment, mais sans les avoir questionnés, avant d’avan- cer dans les chapitres. Que veut dire être élève ?, enseigner? langue maternelle ?, par exemple. Mettons-nous les mêmes sens sous ces mots a priori si familiers? Ce souci de rigueur est aussi pour nous une qualité d’enseignant, qui doit avoir des répercussions dans la classe : faire partager la charge sémantique des notions utilisées en commun est sans doute le premier respect que nous devons à l’élève et à la classe, pour en faire des interlocuteurs à part entière. Vous trouverez donc de nombreuses définitions dans nos pages, y compris des définitions contradictoires, si les divers auteurs sollicités ne sont pas du même avis.

Notre troisième option est un choix qu’on peut appeler scientifique. Nous essaierons de vous démontrer que, fondamentalement, il n’est peut-être pas justifié d’effectuer des séparations pourtant largement admises : par exemple français langue maternelle/français langue étrangère, ou dans la classe/hors de la classe, écrit/oral, familier/soutenu, premier degré/second degré, etc. et nous remettrons en question ces frontières , car elles sont souvent sources de difficultés pour les élèves et de blocages entre professeurs et élèves. De plus, les relativiser nous permettra de consta- ter que la didactique, comme tout domaine de recherche et d’exercice, est soumise à variations

2. Ne vous étonnez pas de ne pas trouver d’accent circonflexe sur ce mot : nous avons pris le parti, comme nous le demandent les instructions officielles françaises, d’adopter les NNO (nouvelles normes d’orthographe) préconisées par le JO du 6 décembre 1990. Nous en reparlerons dans notre chapitre sur l’orthographe.

3. Autant que faire se peut, nous mettrons en gras les définitions dans nos chapitres.

8 7019 TG WB 00 Page 7

Dimension historique Chapitre 1

Chapitre 1

Dimension historique

D’où viennent les questions que nous nous posons? D’où viennent les pratiques actuelles de nos classes? Quels principes ont présidé à l’enseignement des langues avant notre époque? Quels grands penseurs en ont guidé l’évolution? Sans tomber dans l’érudition, nous allons vous donner quelques points de repère indispensables pour vous guider dans les chapitres qui suivent. Une définition de départ vous mènera des premières interrogations pédagogiques vers la révolution informatique actuelle.

1. Pédagogie ou/et didactique?

Ces deux concepts apparus au XVIe siècle ont une étymologie grecque. « Pédagogie », dérivant de paidagogia , lui-même composé de paidos (enfant) et de agein (conduire) renvoie à l’idée métaphorique d’« accompagner l’élève sur le chemin du savoir », le « pédagogue » étant, dans l’Antiquité, l’esclave qui mène l’enfant sur son lieu d’étude. « Didactique », dérivant de didakti- kos , adjectif construit sur le verbe didaskein (enseigner) désigne à l’origine le genre rhétorique destiné à instruire, en fait, les procédés du discours persuasif. Progressivement les deux termes réfèrent à l’ensemble des techniques d’enseignement, mais le second s’est trouvé pendant long- temps peu employé.

Au début des années 1970, la distinction réapparait, mais sans modélisation précise avant les travaux de Conne (1981), Brousseau (1883), Vergnaud (1983) qui s’interrogent sur les « connais- sances préalables » des élèves en mathématiques avant l’apprentissage. Ils reprennent le terme de « didactique » pour évoquer les rapports qui se jouent entre le savoir codifié attaché à une disci- pline particulière, l’apprenant qui y est confronté et l’enseignant qui doit organiser la relation. La « pédagogie » concerne davantage les conditions matérielles mises en place par l’enseignant, les méthodes d’enseignement et la gestion des interactions maître/élèves dans la transdisciplinarité.

Selon Halté (1992), les travaux des didacticiens portent dans les années 1990 sur : - les objets d’enseignement : comment transposer un « savoir savant » en « savoir à ensei- gner »? (Chevallard, Johsua, 1991) (dominante dite « épistémologique ») ; - les conditions d’appropriation du savoir : comment les élèves assimilent-ils les notions? (dominante dite « psychologique ») ; - l’intervention didactique : quelles démarches adopter pour surmonter les obstacles dans cette assimilation? (dominante dite « praxéologique »).

Simard, Dufays, Dolz et Garcia-Debanc (2010, p) différencie la didactique générale et la didac- tique des disciplines : « Le terme didactique générale sous-entend que la didactique porte sur les grands principes de l’enseignement et les diverses manières d’enseigner, indépendamment des contenus disciplinaires. Même si la didactique générale a donné lieu à beaucoup de publications et s’enseigne dans de nombreuses universités, nous ne retiendrons pas cette visée globalisante. Dans le présent ouvrage, nous nous rangeons du côté des didactiques spécifiques ou didactiques des disciplines, lesquelles reposent sur l’idée que les objets de savoir à apprendre jouent un rôle déterminant dans les phénomènes d’enseignement-apprentissage. »

Didactique et pédagogie semblent donc complémentaires dans la formation des enseignants.

Les américains évitent les termes « didactique » et « pédagogie » et utilisent plutôt « éducation » (Van Zanten, Rayou, 2017).

8 7019 TG WB 00 Page 8

Dimension historique Chapitre 1

2. Les dénominations

Avant de parler de didactique du français, il faut définir les mots que nous allons employer au cours de ces pages. Car si nous nous sommes à peu près entendus sur le mot « didactique », il n’en va pas de même pour « français », même si la question vous étonne. De quel français parlons-nous? Ou plutôt : y a-t-il un ou plusieurs français? Les auteurs de manuels, suivant en cela quelques déno- minations officielles, ont voulu depuis quelques décennies séparer « français langue maternelle », qui serait le français des locuteurs « de France », ou de « pays francophones », et le « français langue étrangère », qui désignerait le français de celles et ceux qui parlent à la maison une autre langue que le français. À ces deux catégories, s’est ajouté de façon quasi officielle avec le livre de Jean-Pierre Cuq (cf. bibliographie), le « français langue seconde », expression destinée à désigner le français d’un pays où cette langue est employée couramment, entendue dans la rue et lue dans une partie de la presse, mais où elle n’est pas la langue familiale des enfants : autrement dit, les pays où le français, pour faire vite, a été la langue du colonisateur et a laissé des traces dans la vie sociale (certaines zones d’Afrique, de l’Océan indien, de l’Asie aussi, etc.).

Même commodes, ces catégories sont pourtant trompeuses. Suffit-il en effet de vivre et d’enseigner en France pour penser qu’on enseigne du « français langue maternelle » (FLM)? Si on regarde les prénoms de nos élèves, leurs patronymes, on se rend vite compte que les écoles, collèges, lycées, sont le lieu des mélanges, des rencontres : les élèves d’origine italienne, maghrébine, d’Europe de l’Est, d’Afrique centrale, des îles des Océans pacifique et indien, se mêlent aux fils de réfugiés espagnols, de travailleurs polonais ou turcs, ou d’Arméniens ayant fui les massacres dans leur pays. Il y a ainsi de fortes chances pour que le français qu’on leur enseigne en classe ne soit pas une langue « maternelle » (au sens propre : parlée par la mère), mais une langue découverte au mieux dans la rue et ensuite à l’école. On peut ajouter tous ceux qui parlent une langue régionale (basque, breton, catalan, francique, etc.), tous ceux dont les parents parlent des langues différentes et communiquent dans une troisième langue avec leurs enfants, ceux qui parlent une langue « du voyage », etc. Qui reste-t-il qui a vraiment appris le français et rien que le français dans sa famille? Évidemment, toutes ces données risquent de changer la façon d’enseigner ou les contenus proposés aux élèves. Et on voit que les notions de langue « étrangère, maternelle, seconde » sont en fait sujettes à caution. Vous-mêmes qui nous lisez, vous avez sûrement aussi, dans vos familles, entendu et pratiqué, peut-être, divers types de langues, officielles ou pas, et peut-être que pour vous non plus le français n’est pas la langue première.

De toute façon, et pour éviter ces confusions qui ont de lourdes conséquences didactiques (peut- on enseigner de la même façon le français au monolingue qui ne parle que français dans sa famille, et au bilingue dont les parents se parlent en vénitien et en italien, par exemple ?), une terminologie autre a été proposée, entre autres par nos collègues suisses : ne pouvant pas tou- jours savoir ce qui se parle dans les familles, ils se contentent de nommer les langues que l’enfant apprend à l’école, et l’ordre dans lequel il les apprend, sans se risquer à dire si ces langues sont maternelles, étrangères, ou autres. On parle alors de langue première (= la première langue intro- duite à l’école), langue seconde (= la seconde langue introduite à l’école) , etc. D’autres disent aussi, L1, L2, L3. Et c’est cet ordre d’introduction dans le domaine des apprentissages scolaires qui va guider les méthodes employées et les contenus des savoirs – tout en garantissant une certaine garantie aux élèves.

Sauf cas contraire justifié dans notre cours, nous parlerons donc du français L1 , c’est-à-dire langue avec laquelle les élèves sont en contact quand ils entrent à l’école – que ce soit en France ou ail- leurs. Cela n’exclut pas qu’on tienne compte des langues d’origine des élèves, mais cela suppose surtout qu’on ne suppose pas cette langue « pré-connue » avant l’entrée à l’école, ne serait-ce

8 7019 TG WB 00 Page 10

Dimension historique Chapitre 1

une pile et une ampoule, Mimile nous fait de la lumière », les mots sont intégrés naturellement, sans passe-passe scolastique, dans une pensée et un événement vécus » 6.

Le travail centré sur le message écrit conduit à deux types d’activités complémentaires : la lecture (découverte/compréhension du message) et l’écriture (production/émission du message). Elles sont ici indissociables et si elles s’attachent d’abord au sens, le code 7 va prendre une importance croissante.

Au départ, il y a le texte libre, retranscription de la parole d’un enfant comme par exemple : « Aujourd’hui on va à la piscine tous ensemble. On va bien rigoler. » Cette petite phrase écrite par l’enseignant sous la dictée d’un élève sera lue par groupes de souffle qui correspondent aux lignes d’écriture, on suivra avec le doigt les mots prononcés. Des indices spatiaux, graphiques (et donc déjà orthographiques) seront pris, mis en correspondance avec ce qu’on connait déjà et un réajustement permanent du savoir à travers le débat collectif se produit. Aujourd’hui, des étiquettes correspondant aux lignes sont tapées sur le clavier de l’ordinateur. Les élèves les remettent dans l’ordre et s’en imprègnent. Par la suite les lignes seront coupées en mots. Auparavant, elles étaient imprimées par les élèves eux-mêmes en coopération, à partir des lettres d’une casse qu’il s’agissait de ranger une à une dans un composteur en s’aidant d’un miroir puisque ces dernières devaient être rangées dans un sens négatif, l’impression finale, après encrage, renversant l’ordre.

Peu à peu, l’accumulation de textes travaillés collectivement permet la recherche d’indices pour écrire ses propres productions. La méthode de travail est rigoureuse : comparaison de mots lettre par lettre, comparaison de segments de mots, regroupement de segments connus pour former de nouveaux mots, vérification des hypothèses par la recherche dans des outils de références qui se construisent au fur et à mesure : textes de base affichés, répertoires de mots usuels, diction- naires personnels, etc. L’objectif est de rendre l’élève capable d’appliquer de façon autonome des démarches logiques de questionnement de l’écrit.

####### 3B. Une pédagogie du projet

Motivé par une situation de vraie communication, à la recherche du sens de ce qui est écrit ou de ce qu’il a à écrire, l’élève est placé au cœur d’ une démarche de résolution de problème , et donc en situation de projet effectif. Ressentant personnellement l’enjeu du lire-écrire, il développe ses propres processus d’apprentissage de façon dynamique.

En 1924, Freinet organise la première correspondance interscolaire entre ses élèves de Provence et ceux d’une classe de Bretagne. En 1926, il introduit pour la première fois l’imprimerie à l’école qui va être l’outil de base utilisé par les élèves eux-mêmes pour la diffusion des textes libres, de la correspondance avec l’extérieur et du journal de l’école.

Aujourd’hui, les classes de CP/CE1 qui travaillent en méthode naturelle de lecture-écriture ont abandonné le lourd appareillage de l’ancienne imprimerie, mais la correspondance reste à la base de l’apprentissage et de la motivation. Certains écrits documentaires ou littéraires ont été introduits qui se sont révélés nécessaires à la réalisation de divers projets à partager avec les cor- respondants : écritures de recettes, explications pour fabriquer des objets, affiches pour annoncer

6. Freinet C. (1968). La Méthode naturelle : apprentissage de la langue , coll. « Réalités pédagogiques et psy- chologiques ». Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.

7. Par commodité, on appelle « code » l’ensemble des conventions partagées, écrites et orales, qui font que la langue nous permet de communiquer. C’est ce code qui demande à être enseigné (l’orthographe, l’intona- tion orale, le choix du vocabulaire, l’ordre des mots dans la phrase, etc.) : il rend celui / celle qui le maitrise capable de transmettre du sens (par exemple l’expérience de la douleur) à un interlocuteur ou un lecteur (« j’ai mal », « ouïe, ouïe », « si tu savais comme le souffre », etc.). On dit qu’on « encode » le sens que celui qui reçoit le message le « décode » pour le comprendre.

8 7019 TG WB 00 Page 11

Dimension historique Chapitre 1

un spectacle à l’école, création d’un journal de classe ou d’un magazine, d’albums réalisés suite à des visites, de textes poétiques, de contes, etc.

Le matériel pédagogique édité par Freinet comme les BT (Bibliothèque de travail abordant des connaissances sur un sujet précis) est toujours alimenté sur le site ICEM 8. Ce qui permet aux ensei- gnants de tous les niveaux de disposer de fichiers en français (et d’autres disciplines) adaptés à l’hétérogénéité d’une classe.

####### 3C. Innovation / rénovation

Au début de la IIIe République en France, le besoin s’est fait sentir de fonder un Musée pédago- gique qui s’est ensuite accompagné d’une bibliothèque, d’une cinémathèque, d’un service de publications de l’Éducation nationale. Ces établissements réunis en 1955 sous le nom de Centre national de documentation pédagogique (CNDP), deviennent en 1956 l’ Institut pédagogique national (IPN). À nouveau scindé en deux en 1970, c’est en 1976 que sont officialisés d’une part le CNDP, offrant les ressources documentaires, et d’autre part l’INRP, Institut national de recherches pédagogiques , regroupant des chercheurs institutionnellement proches du terrain (enseignants de primaires surtout, conseillers pédagogiques) auxquels se joindront des chercheurs universi- taires qui vont augmenter ces ressources et influencer les décisions ministérielles. Le 28 décembre 2010, l’INRP intégré à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (ENSL) est dissous et devient l’Institut Français d’Education (IFE) le 18 avril 2011. Le Musée National de l’Education (MUNAE) situé à Rouen appartient au réseau Canopé et propose une exposition permanente et des expositions temporaires. Le MUNAE dispose également d’un centre de ressources.

Ces innovations correspondent à un besoin nouveau. En effet, au début des années 1970, le monde de l’Éducation connait une période de crise du savoir scolaire : les « savoirs savants » en linguistique se sont considérablement développés et l’écart devient trop grand entre les notions enseignées et les nouvelles recherches, et ce notamment dans le domaine de la langue. Mais il n’y a pas encore de réelle tentative de modélisation de l’enseignement, le terme de « didactique » n’est pas encore apparu 9. On parle alors de « linguistique appliquée » qui se préoccupe des « méthodologies d’enseignement » et cherche à répondre à la question « Comment enseigner? » (Galisson, 1977) 10.

C’est dans le domaine linguistique que ces innovations ont eu le plus de retentissement.

Á l’instigation d’un groupe de chercheurs, en 1970, parait Le Plan de Rénovation du français à l’école élémentaire (dit Plan « Rouchette »). Dans le souci de préparer l’enfant à la vie sociale, culturelle et professionnelle, la priorité est donnée à la pratique de la communication , cette dernière étant comprise comme la faculté de comprendre et de se faire comprendre dans des situations particulières où les formes langagières sont amenées à varier. Les principes du Plan de rénovation reposent ainsi sur les apports des sciences du langage et de l’éducation. Celles-ci per- çoivent la communication comme une interaction entre des sujets, comme la mise en œuvre d’une dynamique susceptible de modifier le comportement du destinataire dans son contexte social. Le Plan de rénovation insiste donc sur l’importance de diversifier les pratiques et usages sociaux de la langue française 11 en relation avec des supports culturels sociaux 12. Par ailleurs, l’interaction

8. icem-pedagogie-freinet/

9. Apparition du terme en 1981 dans le titre d’une brochure de l’INRP.

10. Galisson, R. (1977). Étude de linguistique appliquée , n° 27.

11. Par exemple les expressions régionales ou francophones, les différents registres de langue, apports de langues étrangères, le langage scientifique, technique ou professionnel sont intégrés à l’enseignement.

12. Par exemple, les albums, affiches, articles de presse, bandes dessinées, télévision, etc.

8 7019 TG WB 00 Page 13

Dimension historique Chapitre 1

d’avancer dans l’analyse de la langue. Par exemple ici, une étude des emplois des déterminants pourra s’effectuer :

Découpage d’un extrait de Le petit Nicolas de Sempé et Goscinny (2007) à remettre dans l’ordre.

  1. « Et dans l’étang, il y a des têtards ».
  2. « Dans mon quartier, il y a un square »
  3. « Les têtards, ce sont des petites bêtes »
  4. « où nous allons jouer souvent ».
  5. « Dans ce square, il y a un étang ».
  6. « qui grandissent et qui deviennent des grenouilles ». (Correction : 2, 4, 5, 1, 3, 6)

C’est dans cette mouvance rénovatrice qu’Émile Genouvrier et Claudine Gruwez vont proposer dès 1972, les fruits de leurs travaux. Ils expliquent 15 métaphoriquement que s’ils proposent des « gammes », exercices contraignants au niveau de la grammaire de phrase, ils sont conscients que c’est pour mieux maitriser « la mélodie » qui ne se construit au niveau de la grammaire de texte qu’après avoir travaillé des automatismes et pris conscience des mécanismes de fonctionnement pour produire en toute « liberté ».

Ils s’opposent à la leçon de grammaire traditionnelle qui repose sur la mémorisation de résumés, listes et définitions accumulés sans véritables liens et dont le seul objectif est de répondre aux « questions de dictée ». Ils critiquent également la dispersion entre les critères d’analyse qui s’ap- puient parfois sur « la forme » des groupes (avec ou sans préposition : COD, COI), parfois sur « le sens » (compléments circonstanciels de manière, de moyen, etc.), parfois encore sur « la logique » (sujet/objet). Ils se proposent alors deux objectifs : « la maîtrise d’une pratique » et « la maîtrise d’un code » 16.

Pour remplir le premier objectif, des exercices structuraux sont proposés pour asseoir des automatismes linguistiques par imprégnation implicite. Ces derniers, une fois maitrisés empiriquement, permet- tront d’aborder l’exploration et la réflexion sur le fonctionnement du système qui conduiront à une description de la langue (essentiellement sur des critères formels à partir de trois procédures : permu- tation, commutation, transformation). La découverte personnelle des lois qui régissent les structures linguistiques permet progressivement la réalisation du deuxième objectif : « la maitrise du code ».

####### 3D. Noter, évaluer

Un des chantiers de l’INRP dirigé par Hélène Romian a été celui sur l’évaluation des écrits à l’école primaire. Si vous écoutez des enfants jouer « à la maitresse » (Tiens donc! et pourquoi jamais « au maitre » ?), il ne se passera guère de minutes sans que celui/celle qui joue l’enseignant(e) ne distribue avec emphase « bonnes » et « mauvaises » notes à ses ouailles. Preuve que l’acte de « noter » est profondément lié à l’idée que nous nous faisons de l’enseignant. Qu’est-ce que noter? C’est mettre une note (un nombre, une lettre, un symbole, un logo, etc.) sur un travail. En soi, cela n’a aucune valeur et le même travail obtiendra des notes différentes selon la personne qui note, la situation de notation, l’âge et le niveau de l’élève, ce qu’il est censé savoir ou ne pas savoir, les objectifs de l’enseignant, etc. Par exemple, le fait d’écrire une lettre en classe peut être noté différemment selon qu’on attend de l’élève qu’il connaisse les codes épistolaires, ou qu’il sache raconter ou expliquer, ou faire une demande, écrire dans une langue standard..., selon que

15. Genouvrier E. et Gruwez C. (1973). Français et exercices structuraux au CM1. Structures de la langue française. Paris : Larousse, p. 20.

16. Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de l’INRP, entre autre Évaluer les écrits à l’école primaire , sous la direction d’Hélène Romian (cf. notre bibliographie finale).

8 7019 TG WB 00 Page 14

Dimension historique Chapitre 1

l’élève est francophone d’origine ou pas, débutant ou avancé, selon qu’il est enfant ou adulte, etc. Une note objective n’existe donc pas, il n’y a que des notations situées et relatives. Cela entraine deux conséquences.

La première est qu’on note selon des critères , c’est-à-dire des façons de voir, qui peuvent varier d’un enseignant à l’autre, suivant la période de l’année à laquelle on est, etc. Il est indispensable d’expliciter ces critères auprès des élèves, quel que soit leur âge, avant et après une tâche : « dans ce devoir, je vais noter telle ou telle chose, et je vais laisser de côté telle ou telle autre ». Ces critères sont souvent, avant le travail noté, des « objectifs d’apprentissage » sur lesquels on aura travaillé avant de vérifier par une tâche notée s’ils ont été atteints. Par exemple, on étudie et on s’exerce à former des noms au pluriel, puis une tâche de vérification des acquis des marques du pluriel est proposée aux élèves et notée 17.

La deuxième est que ces critères peuvent être mis en valeur comme des avancées du travail en classe, mais pas obligatoirement par des notes. On peut très bien donner du poids, de la « valeur » à un savoir fraichement acquis, ou en cours d’acquisition, sans pour autant « noter » le travail qui le vérifie : c’est d’ailleurs ce qu’on fait dans les petites classes en disant « c’est bien », ou « c’est très bien », ou « tu vas y arriver », à un élève. Il n’a pas besoin de « note » pour savoir ce que « vaut » ce qu’il vient de faire. On a donc petit à petit remplacé, en didactique, la notion de « noter » par celle d’« évaluer », plus large et surtout plus souple. Évaluer veut dire qu’on pèse la valeur de quelque chose : cela peut être ce que sait l’enfant avant de commencer une nouvelle leçon, ce qu’il a acquis en cours d’une séquence, ce qu’il sait en fin de séquence, ce qu’il en a retenu en fin d’année, etc. Cela peut être aussi un travail collectif, le résultat final d’un projet,

etc. Et on peut évaluer à différents moments, par des mots seulement, des actes (confier un objet, une tâche, une responsabilité), des échanges : par exemple les réponses à un débat : « Cette sortie était-elle réussie ou pas? Pourquoi? Qu’avez-vous appris? », peuvent constituer une évaluation fine et intéressante pour tous.

Qui peut évaluer? Tout le monde! et pas seulement l’enseignant(e)... Si on expose au grand jour les critères d’évaluation, les élèves eux-mêmes peuvent s’auto-évaluer, ou évaluer en groupe la production de chacun (co-évaluation) ; on peut même construire avec eux leurs propres critères (« alors, dites-moi, comment va-t-on voir qu’un exposé est réussi? Donnez-moi vos idées, je les marque au tableau ») et en faire une « grille d’évaluation » que chacun(e) connaitra et respectera au mieux.

Conçue ainsi, l’évaluation peut devenir un moment-clé de la vie en classe, où on apprend à juger son propre travail et à vivre ensemble.

À débattre : Entendu dans une conférence sur l’évaluation : « Il n’y a pas de mauvais élèves, il n’y a que de mauvais professeurs »... Qu’en pensez-vous?

####### 3E. L’apport de Vygotski

La pensée de Vygostki, même de façon vulgarisée, a eu du mal à se faire connaitre, autant dans son propre pays (la Russie) que dans le monde, sous forme de traduction. Sa pensée est pourtant fondamentale et, au début du XXe siècle, elle était résolument novatrice. C’est en fonction de ses répercussions sur les apprentissages que nous vous en parlons dans ce cours. En effet, Vygostki, outre d’autres apports de première importance dans la connaissance psycho-cognitive, a insisté dans son ouvrage Pensée et langage sur l’importance des interactions dans la construction des savoirs. On voudrait ici insister sur deux aspects de ses travaux :

17. Pour en savoir davantage, lisez les travaux du groupe EVA de l’INRP, entre autre Évaluer les écrits à l’école primaire , sous la direction d’Hélène Romian (cf. notre bibliographie finale).

8 7019 TG WB 00 Page 16

Dimension historique Chapitre 1

4. Des questions contemporaines

####### 4A. Des recherches sur l’apprenant, des recherches

####### sur l’enseignant

Depuis la naissance de la didactique du français dans le milieu des années 1970 portée par le pro- jet de démocratisation de l’accès à la lecture, à l’écriture, les objets des didacticiens du français ont évolué.

Un premier temps a été consacré à comprendre les pratiques effectives d’enseignement du fran- çais dans les classes.

Le milieu des années 1980 a marqué un second tournant en lien avec les avancées des recherches en didactique des mathématiques, mais aussi avec le développement, entre autres, de travaux de la sociologie, de la psychologie cognitive, du constructivisme, des modèles de l’évaluation. La didactique du français s’est alors centrée sur l’apprenant , sur ses mécanismes d’apprentissage , sur l’analyse des erreurs des élèves, sur les obstacles aux apprentissages. On peut prendre pour exemple les travaux d’Emilia Ferreiro (1986) sur les représentations que se font les enfants de la langue écrite, sur les « conceptualisations » qu’ils se font de l’écrit. Les didacticiens ont alors mon- tré que des obstacles aux apprentissages pouvaient provenir des différences entre les pratiques langagières sociales et scolaires. Dans ce même temps, les travaux du Groupe Écouen en 1985 ont porté sur les processus de planification et de révision de textes.

Depuis les années 2000, un troisième temps toujours centré sur l’apprenant s’intéresse à ses dimensions non seulement cognitives, mais aussi affectives, dans l’apprentissage, à son « rapport à la lecture, à l’écriture, à ses processus réflexifs ». On peut citer les travaux de Barré-De Miniac (2000) sur « le rapport à l’écriture » ou encore ceux de Bucheton et Chabanne (2002) sur la réflexi- vité des pratiques langagières.

À cette époque, en lien d’une part avec la professionnalisation des enseignants devenue centrale face aux modifications du contexte socioprofessionnel et d’autre part avec la diffusion des thèses socio- constructivistes, un courant de la didactique du français s’intéresse au rôle des activités langagières dans la transmission et la construction de savoirs. La didactique s’intéresse par conséquent au rôle du maitre en situation d’interactions avec ses élèves et aux effets de ses macro et micro 19 façons de faire et de dire sur la construction des apprentissages, ce que les didacticiens nommeront « gestes professionnels » (Jorro, 2002 ; Bucheton, 2009). L’emploi de ce concept – étym. lat. gestum , action ou mouvement du corps pour faire ou signifier quelque chose – montre que ces chercheurs étudient l’activité réelle des acteurs à travers l’analyse des actions signifiantes. Cet emploi s’oppose à la conception rationnelle, décontextualisée et désincarnée de l’approche par compétences (cf.  cahier des charges de la formation des maîtres de 2007). Les compétences professionnelles présentent, à la différence des gestes professionnels, des savoirs, des savoir-faire, savoir-être professionnels génériques, décontextualisés, transversaux, non ancrés dans des situa- tions didactiques précises. Les didacticiens dénoncent cette approche comme peu opératoire pour permettre aux enseignants de s’ajuster dans l’interaction aux processus d’apprentissage des élèves.

19. Mettre « micro » ou « macro » devant un objet d’étude signifie qu’on s’intéresse à ses aspects généraux, structurels (macro) ou au contraire à ses aspects de détail, voire microscopiques (micro). Par exemple, regar- der la classe de façon macro signifie qu’on va regarder l’ambiance collective d’une classe, son rythme, sa progression générale ; le faire de façon micro veut dire qu’on va observer tel ou tel élève en particulier, ou telle réaction dans une activité, etc.

8 7019 TG WB 00 Page 17

Dimension historique Chapitre 1

####### 4B. Rapprochement du français avec d’autres disciplines

À l’école, le français est aujourd’hui appréhendé à la fois comme discipline autonome consacrée à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, de l’oral, du fonctionnement de la langue et comme discipline transversale , du fait qu’il est le vecteur de transmission et d’acquisition des apprentissages scolaires dans les différentes disciplines. En effet, pour apprendre dans les différentes disciplines il est nécessaire de parler, lire, écrire. Chaque domaine disciplinaire doit travailler des apprentissages en français, par exemple, le travail sur la compréhension en lecture, ou l’apprentissage du lexique. Les enseignants doivent identifier les différents usages de la langue spécifiques aux disciplines, les genres de discours privilégiés par les disciplines, comme la démonstration en sciences, l’interpréta- tion en lecture littéraire, la description en géographie et identifier également les savoirs langagiers à faire acquérir dans chaque discipline. Par ailleurs, outre les finalités communicatives du français vecteur d’apprentissage, on sait, depuis la diffusion des travaux de Vygotski, que le langage ne sert pas à coder une pensée préconstruite mais qu’il est un outil au service de la pensée. Ainsi, le langage pour penser et apprendre (Chabanne et Bucheton 2002 ; Bautier et Rayou, 2009) est à travailler comme objet d’enseignement dans les différents domaines disciplinaires. Il revient aux enseignants de proposer aux élèves des tâches complexes qui nécessitent non seulement de communiquer mais aussi de se questionner, de s’interroger, d’exprimer ses représentations, de discuter, de reformuler, de synthétiser, autrement dit d’utiliser des formes langagières réflexives au service du travail de la pensée et de ne pas focaliser l’attention seulement sur des productions langagières terminales. Le chapitre de ce cours intitulé « L’oral et l’écrit pour penser et apprendre » vous permettra de creuser cette dimension des pratiques langagières réflexives.

Pour conclure, la discipline français n’est pas à considérer comme une discipline close sur elle-même, mais comme une discipline outil et objet des autres apprentissages disciplinaires du fait de la dimen- sion transdisciplinaire du langage. Cette spécificité de la discipline français conduit les enseignants à devoir penser, dans leur enseignement, au sein de chaque discipline, en intégrant les spécificités disciplinaires, un travail de la langue comme outil de communication , mais aussi comme objet d’analyse , et comme moyen d’apprendre et de penser ceci en permettant la circulation entre ces différents usages de la langue. Cela suppose un travail de programmation de l’enseignement qui intègre ces trois aspects avec une définition claire des objectifs poursuivis et pour l’enseignement dans le secondaire une concertation entre professeurs de français et professeurs d’autres disciplines.

####### Exercice

La situation présentée ci-dessous ainsi que le texte produit par un élève de 3e sont extraits d’un compte rendu d’une activité interdisciplinaire : la narration de recherche, conduite conjointement par deux professeurs de français et de mathématiques avec des élèves de collège 20. Pouvez-vous analyser le ou le(s) statut(s) du français dans ce texte d’un d’élève de 3e, pro- duit dans un travail en mathématiques? L’enseignant demande aux élèves de résoudre des problèmes et d’expliquer par écrit ce qu’ils ont compris. Les élèves sont répartis en groupes de 3 ou 4 ; les groupes doivent résoudre ces problèmes et rédiger collectivement toutes les phases de réflexion qui accompagnent leur recherche. Ensuite chaque membre doit produire individuellement un texte dans lequel il revient sur l’ensemble de l’activité : ce texte est nommé narration de recherche. En voici un exemple :

20. Vous trouverez le récit de cette expérience rédigée par R. Paulin à l’adresse suivante : math.jussieu/~leidwang/wwwIREM/Deslapins

8 7019 TG WB 00 Page 19

Dimension historique Chapitre 1

des TIC. Nous savons que l’invention de l’écriture, puis celle de l’imprimerie ont modifié les façons de penser. Aujourd’hui nous vivons, avec l’évolution des TIC, une nouvelle ère de mutation des façons de penser , un changement de paradigme.

8 7019 TG WB 00 Page 20

La constitution de la didactique comme champ Chapitre 2

Chapitre 2

La constitution de la didactique comme

champ

Cette partie interroge la spécificité de la didactique du français dans ses relations avec les autres didactiques disciplinaires. Compte tenu du fait que la didactique suppose d’envisager l’acte d’enseigner en fonction de l’objet à enseigner, la didactique du français pose la question de la spécificité de la discipline « français ». À la différence des autres disciplines scolaires, le français est à la fois objet et moyen pour l’enseignement/apprentissage de toutes les autres disciplines, mais aussi une pratique culturelle extérieure à l’école. Il est l’objet de multiples considérations idéologiques, culturelles, le lieu de tensions au plan politique : prenons pour exemple des débats sur la norme à enseigner. L’enseignement du français ne peut se restreindre à l’applicationnisme linguistique, il ne relève pas d’une science, mais de savoir-faire et de pratiques sociales et cultu- relles et s’appuie sur des référents théoriques hétérogènes. Comme dit dans notre introduction, la didactique du français emprunte aux domaines de l’éducation, aux domaines du langage ainsi qu’aux études littéraires. Dans cette partie est par ailleurs interrogée la possibilité de transfert, à la didactique du français, des concepts élaborés par d’autres didactiques disciplinaires plus ancien- nement constituées.

1. Les disciplines contributoires

Si les Sciences de l’Éducation ont pour préoccupation première d’améliorer la connaissance des phénomènes qui influencent l’action éducative et notamment de comprendre les causes de l’échec scolaire par une réflexion sur la transmission-acquisition des savoirs et savoir-faire, celles-ci ont dû se tourner vers des sciences dont l’objectif premier n’est pas les apprentissages scolaires.

Ainsi dès 1922, E. Durkheim 21 considère que la pédagogie doit prendre appui sur la sociologie en tant que science des institutions sociales, pour déterminer ce que devraient être les institutions pédagogiques, elles-mêmes microcosmes sociaux.

Dans les années 1970, ce sont les Sciences du Langage , en tant qu’étude des conditions de pro- duction de la langue qui ont fait émerger l’idée que « l’interaction conversationnelle » était la matrice fondamentale de l’usage du langage et que son rôle est primordial dans le processus éducatif, quelle que soit la discipline. À cette époque, les théories de la sociolinguistique, comme celles de B. Bernstein 22 ou W. Labov 23 ont permis de comprendre la diversité des usages de la langue qui engendrent peut-être l’échec scolaire. Plus récemment, c’est la mise en évidence du rôle cognitif de l’oral et de l’écrit qui a fait progresser les didactiques (cf. 3.).

En 1969, J. Piaget 24 , répondant en quelque sorte à Durkheim, considère que « la pédagogie expé- rimentale » ne peut progresser sans l’apport de la psychologie. On s’intéressera alors à l’approche cognitiviste , apparue dès les années 1950, qui considère qu’il est possible de modéliser les processus

21. Durkheim, E. (1922/1989). Sociologie et Éducation. Paris : Puf.

22. Bernstein, B.(1975). Langage et classes sociales. Paris : Éditions de Minuit.

23. Labov, W. (1976). Sociolinguistique. Paris : Éditions de Minuit.

24. Piaget, J. (1969). Psychologie et pédagogie. Paris : Denoël-Gonthier.

Ce document a-t-il été utile ?

Cours 1

Matière: inclusion des eleve en difficulté

8 Documents
Les étudiants ont partagé 8 documents dans ce cours
Ce document a-t-il été utile ?
www.cned.fr
DIDACTIQUE
DU FRANÇAIS
Karine Anière – Hélène Crocé-Spinelli – Marielle Rispail – Sophie Briquet-Duhazé
Licence de sciences de l’éducation
COURS