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Méthodologie commentaire d'arrêt

Méthodologie du commentaire d'arrêt
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Droit civil I 

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Université Paris II Panthéon-Assas

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Droit

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Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... Cour de cassation Accueil > Publications > COMMUNICATION > Bulletin dʼinformation de la Cour de cassation > Bulletins dʼinformation 2009 COMMUNICATION Fiche méthodologique Droit et technique de cassation 2009 Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile par Jean-François Weber, président de chambre à la Cour de cassation Depuis la création du Tribunal de cassation en 1790, des générations de conseillers à la Cour de cassation ont affiné une technique de rédaction des arrêts très sophistiquée, dont les principales caractéristiques sont la concision, la précision terminologique et la rigueur logique. Les progrès de lʼinformatique permettent désormais de rendre accessible, dans les bases de données, les rapports objectifs du conseiller rapporteur, qui posent la problématique du pourvoi, ainsi que les conclusions des avocats généraux dans les affaires publiées au Bulletin de la Cour. Ensuite, les moyens des pourvois auxquels répondent les arrêts, qui nʼétaient publiés que dans les arrêts de rejet car ils font alors partie intégrante de lʼarrêt, sont, depuis décembre 2008, accessibles sur Jurinet lorsquʼils sont annexés à la décision (1) . A travers le développement des sites “intranet” et “internet” de la Cour de cassation, de très nombreux documents relatifs aux arrêts rendus sont désormais accessibles en ligne. Dans le souci de faciliter encore davantage la lecture et la compréhension des arrêts de la Cour, il est apparu utile de diffuser la présente note méthodologique contenant un certain nombre de précisions techniques sur la rédaction des arrêts, et qui a pour objet dʼattirer lʼattention des lecteurs sur la spécificité formelle des arrêts de la Cour de cassation. Cette nouvelle fiche, comme la fiche déjà diffusée sous le titre “Interprétation et portée des arrêts de la cour de cassation en matière civile”, a pour ambition de contribuer au dialogue nécessaire entre la Cour de cassation et les juridictions du fond. La version électronique de cette fiche permet dʼaccéder directement à la plupart des arrêts cités. Les difficultés de compréhension des arrêts Les interrogations sur le sens des arrêts de la Cour de cassation Lʼinterprétation de ses arrêts suscite des questions et parfois des critiques, engendre des faux sens ou des hésitations. Il est dʼabord malaisé pour un justiciable de comprendre que la Cour : - ne re-juge pas lʼaffaire, mais juge la conformité de la décision attaquée aux règles de droit (article 604 du code de procédure civile) ; - nʼapprécie pas le fait, mais dit le droit Les avocats eux-mêmes ne commettent-ils pas parfois le contresens consistant à lire le moyen au lieu de retenir la réponse de la Cour ? Combien dʼarrêts sont invoqués, de plus ou moins bonne foi, dans des conclusions, comme des arrêts de principe, alors quʼils ne sont que des arrêts sans aucune portée normative en raison de lʼappréciation souveraine des juges du fond ? La mise en ligne par “Legifrance” de lʼintégralité des arrêts a décuplé la fréquence de ce type dʼaffirmation. Quant aux interprétations doctrinales, elles font parfois découvrir aux chambres de la Cour des innovations ou des revirements que celles-ci nʼavaient ni envisagés ni effectués. De leur côté, les juges du fond sʼinterrogent souvent sur le sens dʼun arrêt censurant leur décision, sur lʼinterprétation dʼun précédent jurisprudentiel ou sur la portée dʼune décision. Ainsi, peut-on se leurrer sur un rejet dʼapparence satisfaisant pour le juge du fond, qui constitue en fait un sauvetage de sa décision, par exemple grâce aux motifs présumés adoptés des premiers juges. Inversement, nous savons bien que sont mal reçues certaines cassations pour défaut de réponse aux conclusions : nʼest-ce pas en effet un grief difficile à accepter par le juge dʼappel qui sʼest trouvé, dans un litige de droit immobilier, devant une douzaine dʼintimés, des actions 1 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... en garantie, des appels incidents ou provoqués, conduisant à de très nombreuses conclusions interminables, enchevêtrées et touffues...? Pourtant, tous les magistrats du fond qui viennent en stage à la Cour de cassation se rendent bien compte que, même si le taux de cassation en matière civile est de lʼordre de 30 % des pourvois, les magistrats de la Cour nʼéprouvent aucun plaisir à casser un arrêt. Mais, sauf à renoncer à sa mission propre, la Cour ne peut que casser lorsque la loi est claire et que les circonstances de fait souverainement relevées par les juges du fond ne lui laissent aucune marge dʼappréciation. Analyse des difficultés de compréhension des arrêts Ces difficultés ont, pour lʼessentiel, deux sortes de causes relevant : a) de la logique juridique des arrêts ; b) de la politique et de la pratique judiciaire. a) la logique juridique des arrêts Si les arrêts de la Cour sont dʼinterprétation délicate, cʼest en effet dʼabord en raison de la mission de la Cour : aux termes du sous-titre III du titre XVI du livre premier du code de procédure civile, le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui tend, selon lʼarticle 604, “à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement quʼil attaque aux règles de droit”. Ainsi, comme toute décision judiciaire, un arrêt de la Cour de cassation correspond à la formalisation du raisonnement de la Cour qui, partant de circonstances de fait souverainement retenues par les juges du fond, est saisie dʼune contestation de la décision des juges du fond au moyen dʼun argumentaire juridique. Si elle approuve le raisonnement des juges, elle rejette le pourvoi. Si elle le réfute, elle casse la décision attaquée. Mais, contrairement à ce quʼelle exige des juges du fond, la Cour de cassation, juge du droit, nʼexprime pas la motivation de sa décision, en ce sens quʼelle “dit le droit” sans dire pourquoi elle privilégie telle ou telle interprétation de la loi. Cette absence de “motivation” des arrêts est fréquemment critiquée par la doctrine, et la Cour de cassation nʼest pas restée insensible à cette critique. Depuis la condamnation de la France par la Cour européenne de Strasbourg, la Cour de cassation a profondément modifié les conditions dʼexamen des pourvois, puisque les parties et leurs conseils ont désormais facilement accès, ainsi que tous les magistrats pour les arrêts publiés, au rapport objectif du conseiller rapporteur et à lʼavis de lʼavocat général (2) . La simple comparaison de ces éléments avec lʼarrêt prononcé permet dʼappréhender aisément la problématique du pourvoi, les solutions envisageables et les éléments pris en compte par la Cour de cassation dans le choix de la solution. Mais cet effort de transparence ne semble pas devoir aller jusquʼà transformer la nature de la mission de la Cour, qui lui permet de faire évoluer la jurisprudence en fonction des mutations de la société telles que prises en compte par les décisions des juges du fond. Le lecteur, ignorant souvent tout de la technique de rédaction dʼun arrêt de la Cour de cassation, risque de lʼinterpréter inexactement. Afin dʼéviter de faire dire à un arrêt plus que ce quʼil comporte, il convient de rappeler les limites dans lesquelles la décision de cassation sʼinsère. La Cour de cassation nʼa aucune possibilité dʼauto-saisine dʼune affaire, qui reste la chose des parties. Dès lors, le lecteur devra être attentif à trois paramètres qui définiront les limites du champ dʼintervention de la Cour : - les parties : ne peuvent se pourvoir que les parties à la décision critiquée et qui y ont intérêt (article 609 du code de procédure civile) ; - les griefs : ne seront examinés que les chefs du dispositif de la décision attaquée expressément critiqués par le pourvoi. Les chefs de dispositif non visés par les moyens ne seront pas atteints par une éventuelle cassation, sauf sʼils sont la suite logique et nécessaire dʼun chef de dispositif cassé ; - les moyens : la Cour de cassation ne statuera, selon lʼadage classique, que sur “Le moyen, rien que le moyen, mais tout le moyen”, dʼoù la nécessité de prendre connaissance des moyens présentés pour mesurer la portée dʼun arrêt de la Cour. En effet, aux termes de lʼarticle 624 du code de procédure civile, “la censure qui sʼattache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas dʼindivisibilité ou de dépendance nécessaire”. Si la Cour de cassation, comme elle en a la possibilité, sous réserve du respect du principe de la contradiction (article 1015 du code de procédure civile), relève un moyen dʼoffice ou rejette un pourvoi par substitution dʼun motif de pur droit relevé dʼoffice à un motif erroné, cet élément sera nécessairement mentionné dans la décision elle même et donc, le lecteur en sera informé. Il résulte des limites du champ de la saisine de la Cour de cassation ,que contrairement à ce qui est parfois perçu, un arrêt de rejet nʼa pas nécessairement pour effet une totale approbation par la Cour de cassation de la 2 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... être recouru à tout instant aux chambres mixtes. Or, les chambres gardent une certaine autonomie compte tenu de leur spécialisation, ce qui a justifié, ces dernières années, la mise en place de procédures internes pour limiter autant quʼil est possible les divergences de jurisprudence entre les chambres. Néanmoins, lorsque plusieurs chambres sont conduites à traiter de la même question, il est assez fréquent que le mécanisme de consultation officielle de lʼautre chambre soit mis en oeuvre conformément aux dispositions de lʼarticle 1015-1 du code de procédure civile. Dans ce cas, lʼindication de la consultation figure en tête de la réponse de la Cour et donne au lecteur la certitude de lʼaccord des chambres sur la doctrine ainsi exprimée, qui devient ainsi celle de la Cour toute entière (2e Civ., 14 février 2008, Bull. 2008, II, n° 36). Certaines dispositions purement matérielles, qui paraissent une évidence pour les praticiens de la cassation, doivent être explicitées, telles que lʼindication, en haut et à droite, sur la minute de chaque arrêt, de son mode de diffusion. Pour identifier le type de publication qui est décidé au terme du délibéré des chambres et qui correspond à lʼimportance que la chambre accorde à la décision quʼelle vient dʼarrêter, les arrêts mentionnent des lettres suivantes dont il faut connaître la signification : D = diffusion sur la base de la Cour, mais sans publication. Ce sont les arrêts qui, pour les chambres, nʼapportent rien à la doctrine de la Cour de cassation. Ils sont fréquemment qualifiés “dʼarrêts dʼespèce”, même si une telle analyse nʼa guère sa place pour un arrêt de la Cour, qui ne répond quʼà des moyens de droit ; B = publication au Bulletin dʼinformation de la Cour de cassation (BICC, diffusé tous les quinze jours à tous les magistrats), comportant le sommaire des arrêts qui seront publiés, et dont la Cour estime nécessaire de porter rapidement la solution à la connaissance des magistrats du fond. Le sommaire des arrêts est élaboré au sein de la chambre qui a rendu la décision et tend à dégager ce quʼapporte lʼarrêt à la doctrine de la Cour. Le lecteur avisé ne doit en aucun cas se contenter de la lecture du sommaire, dont la concision peut conduire à des interprétations erronées, mais doit absolument se reporter à lʼarrêt lui-même, connaissance prise des moyens auxquels il est répondu ; P = publication au Bulletin de la Cour de cassation, édité désormais uniquement en version numérique. Ce sont les arrêts qui ont une portée doctrinale, soit par la nouveauté de la solution, soit par une évolution de lʼinterprétation dʼun texte au regard de la jurisprudence antérieure, soit enfin parce que la Cour nʼa pas publié cette solution depuis longtemps (une dizaine dʼannées) et quʼelle entend manifester la constance de sa position ; I = diffusé sur le site internet de la Cour de cassation : il sʼagit des arrêts qui, de lʼavis de la chambre, présentent un intérêt pour le grand public, parce quʼil sʼagit dʼune question de société ou parce que la solution a des incidences pratique évidentes pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils sont parfois assortis dʼun communiqué qui en précise la portée ; R = ce sont les arrêts dont la portée doctrinale est la plus forte. Ils sont analysés au rapport annuel de la Cour de cassation, qui permet lʼactualisation, en léger différé, de lʼessentiel de lʼévolution de la jurisprudence de la Cour. Ces indications relatives au niveau de publication des arrêts se retrouvent sur Jurinet en tête des décisions, à lʼexception de lʼindication de la mise sur internet. Les arrêts publiés au Bulletin disposent dʼun sommaire édité en italiques avant lʼarrêt, et la publication au rapport annuel est indiquée avec un lien direct avec ce rapport quand il est imprimé. Comprendre la nature du contrôle exercé par la Cour de cassation Il résulte des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de lʼorganisation judiciaire que la mission essentielle de la Cour de cassation est dʼassurer lʼunité de lʼinterprétation de la loi sur tout le territoire de la République sans connaître le fond des affaires, afin dʼassurer lʼégalité des citoyens devant la loi. La distinction du fait et du droit apparaît a priori comme une évidence, comme un principe simple : la Cour de cassation contrôle lʼapplication uniforme du droit et laisse aux juges du fond lʼanalyse des faits. Cette distinction est plus complexe quʼil nʼy paraît, et la lecture attentive des arrêts permet de comprendre lʼimportance et les modalités de ce contrôle qui détermine la liberté dʼaction des juges du fond. La problématique du contrôle Sur le principe du contrôle, certains soutiennent que la Cour ne pourrait pas exercer un contrôle nuancé : elle devrait contrôler toutes les notions juridiques, mais ne pourrait pas contrôler ce qui touche aux faits souverainement appréciés par les juges du fond. Les tenants de cette position considèrent que lʼon doit apprécier un contrôle à son effet (la cassation) et non à sa forme ou à son expression. Ils contestent donc le principe même dʼun contrôle modulé. Dʼautres tentent de distinguer le contrôle de forme (de procédure) du contrôle logique (vice de motivation y compris la dénaturation), du contrôle normatif (qui porte sur ce qui a été décidé au fond). Cette distinction séduisante ne semble pas pertinente puisquʼil nʼy a pas de hiérarchie entre les lois de procédure et celles de fond. Les moyens dits “disciplinaires”, aussi irritants soient-ils, relèvent du contrôle de la Cour de cassation au même titre que les moyens portant sur le fond du droit. La seule différence est que les contrôles de 4 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... forme ou de motivation sont tous de même intensité, alors que le contrôle normatif est le seul qui puisse revêtir un niveau dʼintensité variable. Cette question du contrôle est particulièrement complexe et constitue un sujet dʼincertitudes que seule la connaissance des arrêts les plus récents de la Cour de cassation permet de lever. En effet, le niveau de ces contrôle nʼest pas constant même si, sur le plan théorique, la Cour de cassation est consciente que trop contrôler pervertirait sa mission. Lorsque lʼon entre dans la réalité des pourvois, il apparaît parfois difficile de sʼen remettre à lʼappréciation souveraine des juges du fond, sous peine de renoncer au rôle unificateur dʼinterprétation du droit de la Cour de cassation. Or, au fil du temps, la doctrine de la Cour de cassation peut évoluer : ainsi lors de la promulgation dʼun nouveau texte, la tentation existe dʼen contrôler strictement les conditions dʼapplication, pour ensuite relâcher le contrôle. Une intervention de lʼassemblée plénière peut modifier la nature du contrôle : ainsi, la contestation sérieuse en matière de référé, dont le contrôle, abandonné par la première chambre civile le 4 octobre 2000 (Bull. 2000, I, n° 239), a été rétabli par lʼassemblée plénière le 16 novembre 2001 (Bull. 2001, Ass. plén., n° 13), au motif précisément que “en statuant par ces motifs, qui ne mettent pas la Cour de cassation en mesure dʼexercer son contrôle sur lʼexistence dʼune obligation non sérieusement contestable, la cour dʼappel nʼa pas donné de base légale à sa décision”. Suivant les matières et les chambres, la même notion peut être contrôlée ou non : ainsi en est-il de la faute qui, en matière de divorce, nʼest pas contrôlée, mais qui fait lʼobjet dʼun contrôle léger dans les autres contentieux. Lʼanalyse dʼune chambre peut également varier dans le temps : si la chambre sociale a longtemps considéré que le harcèlement était souverainement apprécié par les juges du fond (Soc., 23 mai 2007, Bull. 2007, V, n° 85) (6) , plusieurs arrêts du 24 septembre 2008, dans le souci dʼharmoniser les solutions souvent disparates des juges du fond, ont instauré un contrôle de qualification de cette notion (Soc., 24 septembre 2008, Bull. 2008, V, n° 175) : “Quʼen se déterminant ainsi, sans tenir compte de lʼensemble des éléments établis par la salariée, la cour dʼappel nʼa pas mis la Cour de cassation en mesure dʼexercer son contrôle sur le point de savoir si les faits établis nʼétaient pas de nature à faire présumer un harcèlement moral au sens des textes susvisés”. Les différents types de contrôle Les praticiens de la Cour de cassation (magistrats et avocats aux Conseils) distinguent classiquement le contrôle normatif, le contrôle de motivation et le contrôle appelé par commodité “disciplinaire”, qui tend à une véritable égalité des citoyens devant la justice en faisant assurer un contrôle de qualité des décision judiciaires par la Cour de cassation. 1°) Le contrôle normatif Le contrôle normatif, ou contrôle de fond, présente quatre niveaux : - Lʼabsence de contrôle lorsque le juge dispose dʼun pouvoir discrétionnaire : le juge nʼa même pas besoin de motiver sa décision ; par exemple, en application de lʼarticle1244-1 code civil pour refuser dʼaccorder des délais de paiement, pour refuser de modérer une clause pénale (1152 du code civil), pour refuser une demande de sursis à statuer, pour fixer la charge des dépens ou le montant des frais non compris dans les dépens. Dans ces cas, les arrêts mentionnent que le juge nʼa fait quʼuser de son pouvoir discrétionnaire (Com., 16 septembre 2008, pourvois n° 07-11 et 07-12, et 1re Civ., 11 février 2009, pourvoi n° 08-11) ; - Le contrôle restreint à lʼexistence dʼune motivation, compte tenu du pouvoir souverain des juges du fond : le juge du fond, dès lors quʼil motive, apprécie la réalité des faits, et ces faits sʼimposent à la Cour de cassation : par exemple, lʼévaluation du préjudice et des modalités de sa réparation. Les arrêts font fréquemment référence au pouvoir souverain des juges du fond ou à leur appréciation souveraine des éléments de fait (2e Civ., 19 février 2009, pourvoi n° 07-19 : “... cʼest dans lʼexercice de son pouvoir souverain dʼappréciation des faits qui lui étaient soumis que la cour dʼappel a décidé que son attitude était constitutive dʼun abus de droit”) ; - le contrôle léger : cʼest un contrôle de légalité qui intervient lorsque la cour dʼappel a tiré une conséquence juridique de ses constatations de fait qui était possible mais qui aurait pu être différente sans pour autant encourir la critique, et ce contrôle léger sʼexprime par une réponse au rejet selon laquelle le juge du fond “a pu...” statuer comme il lʼa fait (Com., 17 février 2009, pourvoi n° 07-20 : “que la cour dʼappel a pu en déduire que ce comportement était fautif et devait entraîner pour M. X... décharge à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par voie de subrogation ; que le moyen nʼest pas fondé”) ; - le contrôle lourd : il intervient lorsque la cour dʼappel ne pouvait, à partir de ses constatations de fait, quʼaboutir à la solution retenue, sous peine de voir son arrêt cassé pour violation de la loi : les arrêts de rejet utilisent alors des expression très fortes, telles que “exactement”, “à bon droit”, lorsque le juge a énoncé pertinemment une règle (2e Civ., 19 février 2009, pourvoi n° 08-11 : “Mais attendu que lʼarrêt retient à bon droit que ni lʼindépendance du service du contrôle médical vis-à-vis de la caisse ni les réserves émises par celle-ci sur le 5 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... appréciée par les juges du fond en matière de divorce, car, dans cette matière très sensible, la Cour préfère laisser les juges du fond apprécier souverainement la faute des conjoints. Lʼaléa en matière dʼassurance nʼest plus contrôlé depuis un arrêt de la première chambre civile du 20 juin 2000 (Bull. 2000, I, n° 189). Le trouble manifestement illicite, en matière de référé, fait, au contraire, lʼobjet dʼun contrôle léger, à la suite dʼun arrêt dʼassemblée plénière du 28 juin 2000 (Bull. 2000, Ass. plén., n° 6) qui est revenu sur les décisions de lʼassemblée plénière du 4 juillet 1986 (Bull. 1986, Ass. plén., n° 11) (10) et celles, postérieures, de la deuxième chambre civile, qui privilégiaient la notion de trouble (question de pur fait) sur le “manifestement illicite” (question de droit mais qui doit être évidente : 2e Civ., 25 octobre 1995, Bull. 1995, II, n° 255). - Les conséquences juridiques de la qualification des faits retenus sont toujours contrôlées. A titre dʼexemple, un arrêt de la troisième chambre civile du 13 juillet 2005 (Bull. 2005, III, n° 155) montre la diversité des contrôles auxquels peut procéder la Cour et la richesse des enseignements que lʼon peut tirer dʼun arrêt de la Cour lorsque lʼon prend soin de lʼanalyser : On y trouve successivement : 1°) un contrôle normatif sur lʼarticle 606 du code civil ; 2°) une appréciation souveraine de certains faits, et 3°) un contrôle lourd sur le raisonnement de la cour dʼappel compte tenu de la pertinence des prémisses : “Mais attendu quʼayant relevé,(1) à bon droit, quʼau sens de lʼarticle 606 du Code civil, les réparations dʼentretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de lʼimmeuble tandis que les grosses réparations intéressent lʼimmeuble dans sa structure et sa solidité générale, et (2)souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que les désordres étaient dus à des dispositions constructives inadéquates et que les travaux de remise en état de lʼimmeuble après les inondations, les travaux qui tendaient à empêcher ou à limiter le risque dʼinondation, les travaux de mise en conformité de toitures et de réfection de lʼinstallation électrique, la reprise de la fuite dʼeau en cave, la réparation dʼune canalisation détruite par le gel en raison dʼun manque de calorifugeage et la remise en état de la couverture de lʼappentis concernaient la structure et la préservation de lʼimmeuble, la cour dʼappel (3) en a exactement déduit que ces travaux étaient imputables au propriétaire dès lors que le contrat de bail mettait à la charge du locataire les réparations locatives ou dʼentretien, à lʼexception des grosses réparations visées par lʼarticle 606 du Code civil ; dʼoù il suit que le moyen nʼest pas fondé”. La claire perception par les juges du fond de la nature du contrôle tel quʼexercé actuellement par la Cour de cassation semblerait de nature à permettre dʼéviter, grâce à une motivation adéquate, des cassation inutiles. La formulation du contrôle dans les arrêts de la Cour de cassation Les précisions qui suivent ont pour objet de faciliter la compréhension des subtilités terminologiques habituellement appliquées par les chambres civiles de la Cour de cassation, même sʼil peut exister des décisions qui sʼen écartent. 1°) Dans les arrêts de rejet : Au regard des motifs de la décision attaquée, le terme : - “a énoncé...” implique la reproduction exacte des termes de la décision attaquée et nʼapporte aucune précision sur le contrôle ; - “a constaté...” correspond à une appréciation souveraine des faits par les juges du fond : lʼindication de lʼabsence de contrôle des faits procède de lʼusage même de ce mot : un constat est nécessairement du fait ; - “a relevé...” porte plutôt sur des considérations et circonstances de fait ; - “a retenu...” correspond plutôt à une appréciation de fait ayant une incidence dʼordre juridique. Mais, dans la rédaction, lʼun de ces deux derniers verbes (relevé et retenu) est parfois utilisé dʼune façon moins précise afin dʼéviter une répétition. Cependant, ces verbes relevé, retenu, jugé ou décidé ne déterminent pas, par eux-même, la nature du contrôle exercé par la Cour de cassation ; en effet, ils peuvent correspondre : - soit à une appréciation souveraine des juges du fond. Ils sont alors fréquemment précédés de lʼindication “a souverainement relevé...”, “ a souverainement retenu....”,“a souverainement décidé....”, et la seule mention “a relevé”, “a retenu”, “a décidé” sous entend une absence de contrôle, puisque cette formulation ne contient aucune critique et implique la souveraineté des juges du fond. - soit à lʼexpression dʼun contrôle qui est alors indiqué de la façon suivante : - Contrôle léger : a pu retenir... a pu en déduire... a pu décider que... ; 7 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... - Contrôle lourd : a exactement retenu... en a exactement déduit... ou a retenu à bon droit... en a déduit à bon droit... a décidé à bon droit... 2°) Dans les arrêts de cassation : Par hypothèse, si une cassation est prononcée, cʼest que lʼarrêt attaqué présentait un vice faisant lʼobjet dʼun moyen pertinent, sur une question qui fait lʼobjet dʼun contrôle de la Cour de cassation. Lʼexpression de ce contrôle se trouvera dans ce que lʼon appelle le “conclusif” de lʼarrêt, cʼest-à-dire dans le dernier alinéa de lʼarrêt, qui exprime la doctrine de la Cour de cassation et qui débute par “quʼen statuant ainsi...” pour la violation de la loi ou par “quʼen se déterminant ainsi...” pour le manque de base légale. Le contrôle normatif pour violation de la loi se concrétise à la fin du conclusif par lʼexpression “la cour dʼappel a violé le texte susvisé” (assemblée plénière, 13 mars 2009, pourvoi n° 08-16, en cours de publication). Le contrôle de motivation normatif et pédagogique sʼexprime par la formule “la cour dʼappel nʼa pas donné de base légale à sa décision”(chambre mixte, 20 juin 2003, Bull. 2003, Ch. mixte, n° 4). Le contrôle disciplinaire, lorsquʼil correspond à une violation dʼun texte, sʼexprime comme le contrôle normatif, puisquʼun texte sʼimposant au juge a été violé. Lorsquʼil sʼagit de la violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile qui exigent que le juge motive sa décision, le conclusif se termine, en général, par la formule : “quʼen statuant ainsi, la cour dʼappel nʼa pas satisfait aux exigences du texte susvisé”(3e Civ., 26 novembre 2008, Bull. 2008, III, n° 188). Comment sont construits les arrêts de la Cour de cassation ? Pour lire aisément les arrêts de la Cour de cassation, il convient de connaître leur structure, qui est fondée sur un syllogisme rigoureux. Structure dʼun arrêt de rejet Le syllogisme dʼun arrêt de rejet se présente ainsi : - chef de dispositif de la décision attaquée critiqué ; - moyens exposant les raisons juridiques de la critique ; - réfutation par la Cour de cassation de ces critiques. Il existe deux principaux types dʼarrêts de rejet du pourvoi : 1°) Les arrêts dits “en formule développée” sont les arrêts de rejet, tels quʼils sont publiés au Bulletin, qui ont suscité un débat à la chambre et qui apportent quelque chose à la doctrine de la Cour de cassation. Ils comportent un exposé des faits, la reproduction des moyens et la réponse de la Cour de cassation conduisant au rejet du pourvoi. - Lʼexposé des faits ne contient que les éléments résultant de lʼarrêt attaqué et, éventuellement, du jugement, sʼil est confirmé. Cʼest la raison pour laquelle lʼexposé des faits est introduit par lʼexpression : “Attendu, selon lʼarrêt attaqué...”, pour bien marquer que cette analyse des faits nʼest pas celle de la Cour de cassation, dont ce nʼest pas la mission, mais celle des juges du fond. Sont éliminés de cet exposé tous les éléments factuels qui ne seraient pas nécessaires à la compréhension des moyens et de la réponse de la Cour de cassation. Les juges du fond ne doivent donc pas sʼétonner de ne pas retrouver dans lʼarrêt de la Cour de cassation tous les faits du procès quʼils ont eu à juger. Il se termine souvent par lʼindication de lʼobjet de lʼassignation et de la situation procédurale des parties. - Lʼarrêt se poursuit par lʼindication du chef de dispositif attaqué par le moyen : il nʼest pas nécessairement intégralement reproduit et est souvent simplement mentionné par une formulation du genre : “M. X... fait grief à lʼarrêt de le débouter de sa demande (ou dʼaccueillir la demande de M. Y...)”, dès lors que la fin de lʼexposé des faits a précisé la situation des parties (11) . - Une fois le grief précisé, le moyen est introduit par la formule : “alors, selon le moyen, que...”. Cʼest le moyen tel que formulé par lʼavocat aux Conseils qui est reproduit en caractères typographiques italiques sur la minute de lʼarrêt et sur la publication au Bulletin, chaque branche étant numérotée. Sʼagissant du texte établi par le conseil dʼune partie, il nʼappartient pas à la Cour de cassation de le modifier, quelles que soient ses éventuelles imperfections. - La réponse au rejet de la Cour de cassation sʼexprime, en principe, par une seule phrase puisquʼelle est la réponse à un moyen qui vient dʼêtre reproduit, et est introduite par “Mais attendu...”, dès lors que lʼargumentation du moyen est réfutée grâce aux motifs pertinents repris de la décision attaquée. En effet, sauf les cas rares où la Cour substitue un motif de pur droit aux motifs de la cour dʼappel (article 620 du code de procédure civile), la 8 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... il débute par le visa “de la règle de droit sur laquelle la cassation est fondée” (article 1020 du code de procédure civile), ce qui sʼexprime par un visa du ou des textes en cause, ou, le cas échéant, dʼun principe général du droit reconnu par la Cour (14) . Si le texte est codifié, le numéro de lʼarticle est mentionné, suivi du titre du code : ”Vu lʼarticle 1382 du code civil”. Si plusieurs textes sont le support direct de la cassation, ils sont reliés par la conjonction de coordination “et” (assemblée plénière, 9 juillet 2004, Bull. 2004, Ass. plén., n° 11). Si un texte est le support direct de la cassation et quʼun autre texte apparaît nécessaire dans la situation particulière, cet autre texte est précédé de lʼexpression “ensemble” (assemblée plénière, 24 juin 2005, Bull. 2005, Ass. plén., n° 7) : Après ce visa, est énoncée la règle de droit lui correspondant : cʼest le “chapeau”, ainsi appelé parce quʼil coiffe lʼarrêt, et qui est, en principe, la reproduction du texte visé. Lorsque le texte est long et complexe, la Cour en fait parfois la synthèse, matérialisée par une formule du genre : “Attendu quʼil résulte de ce texte que ....” ou “Attendu selon ces texte...”. Pour les texte très connus (articles 4, 16 et 455 du code de procédure civile, 1134, 1382, 1384 , 1792 du code civil), lʼhabitude a été prise de se dispenser du chapeau, ainsi que pour les cassations pour manque de base légale. Les textes introduits dans le visa par le mot “ensemble” ne sont pas reproduits dans le chapeau, qui ne reprend que le texte principal, fondement de la cassation. De nombreux textes comportent des renvois en rendant la compréhension difficile : “ ..és au troisième alinéa de lʼarticle 5 du chapitre 6 du livre II du code...” ; une telle énumération incompréhensible est alors remplacée par lʼobjet quʼelle concerne. Lʼexposé objectif des seuls faits constants qui sont nécessaires à la compréhension de lʼarrêt se situe soit après le chapeau, soit en tête de lʼarrêt, lorsquʼil y a plusieurs moyens auxquels il convient de répondre. Lʼarrêt mentionne ensuite le grief fait à la décision attaquée : “Attendu que, pour accueillir (ou pour rejeter) la demande, lʼarrêt retient...” ; suivent les motifs erronés qui fondent la décision et qui, parce quʼils ne sont pas pertinents, vont conduire à la cassation. Lʼarrêt se termine par le “conclusif”, seul texte qui exprime la doctrine de la Cour de cassation, qui boucle le raisonnement en retenant : “quʼen statuant ainsi, la cour dʼappel a violé le texte susvisé” (chambre mixte, 25 octobre 2004, Bull. 2004, Ch. mixte, n° 3), ou “quʼen se déterminant ainsi, la cour dʼappel nʼa pas donné de base légale à sa décision” lorsque la cassation intervient pour manque de base légale (2e Civ., 19 février 2009, pourvoi n° 07-18). Afin de faciliter la compréhension de son arrêt, la Cour complète fréquemment le conclusif dʼun élément dʼexplication qui se traduit, pour les cassations pour violation de la loi, par la formule “quʼen statuant ainsi alors que...” (assemblée Plénière, 27 février 2009, pourvoi n°07-19, en cours de publication) et, pour les manque de base légale, en indiquant la nature du vice de motivation retenu, tel que “sans rechercher... sans caractériser...”, afin que la cour dʼappel de renvoi sache exactement ce quʼelle doit faire et quʼavait omis la première cour dʼappel (Com., 10 février 2009, pourvoi n° 07-20). Il arrive parfois que lʼinterprétation de la règle se trouve dans le chapeau, notamment lorsque le chapeau, étant introduit par une formule du genre “Attendu quʼil résulte de ces textes...”, ne se contente pas de formuler une synthèse neutre des textes mentionnés au visa, mais précise lʼinterprétation que donne la Cour de cassation de ces textes (1re Civ., 16 avril 2008, Bull. 2008, I, n° 114). Une telle présentation, plus “percutante”, est parfois critiquée comme constituant une anomalie méthodologique, car la Cour de cassation sʼérige alors en pseudolégislateur en affirmant dʼemblée une interprétation prétorienne, alors que cette affirmation doit, dans un processus judiciaire normal, être le résultat dʼun raisonnement déductif. Le lecteur doit être attentif au visa et au contenu du “chapeau” au regard du conclusif de lʼarrêt, car une cassation peut intervenir dans deux hypothèses : soit parce que la cour dʼappel a refusé dʼappliquer un texte, soit parce quʼelle a appliqué un texte alors quʼil nʼétait pas applicable. - Si la cassation correspond à un refus dʼapplication dʼun texte, le visa et le chapeau correspondront au texte qui aurait dû être appliqué et qui ne lʼa pas été. Le conclusif indiquera, lorsque la formule traditionnelle “quʼen statuant ainsi, la cour dʼappel a violé le texte susvisé” ne suffit pas à la compréhension de la cassation, pourquoi le texte aurait dû être appliqué, grâce à une incidente introduite par “alors que...” (1re Civ., 18 février 2009, pourvoi n° 07-21). - Si la cassation intervient pour fausse application, le visa et le chapeau correspondront au texte que lʼarrêt attaqué a appliqué inexactement, et cʼest le conclusif qui permettra de savoir la raison pour laquelle le texte visé nʼétait pas applicable. Dans ce cas également, le conclusif sera souvent complété dʼune précision introduite par “alors que...” (Soc., 3 mars 2009, pourvoi n° 07-44). Autrefois, les arrêts de cassation précisaient fréquemment si la cassation intervenait pour refus dʼapplication ou pour fausse application. Ce type de précision est aujourdʼhui plus rare, dans la mesure où il est admis que la nature de la cassation doit se déduire logiquement du rapprochement du visa et du chapeau, avec le conclusif (15) . Comme dans toutes les décisions judiciaires, le dispositif est introduit par la formule “Par ces motifs”, qui est éventuellement complétée de lʼindication destinée à purger sa saisine : “et sans quʼil y ait lieu de statuer sur les 10 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... autres moyens” si la cassation rend sans portée certains moyens qui critiquent des chefs de dispositif dépendant de celui qui est cassé (chambre mixte, 3 février 2006, Bull. 2006, Ch. mixte n° 1). Si la cassation est totale, elle intervient “en toutes ses dispositions” (chambre mixte, 3 février 2006, Bull. 2006, Ch. mixte n° 1). La cour de renvoi aura alors à re-juger lʼintégralité de lʼaffaire à partir de la décision du premier juge. Si elle est partielle, sa portée est précisée dans le dispositif : deux formules sont possibles : soit “casse , sauf en ce quʼil a ...” (Chambre mixte, 16 décembre 2005, Bull. 2005, Ch. mixte, n° 9) soit “casse mais seulement en ce quʼil a...” (Chambre mixte, 23 novembre 2004, Bull. 2004, Ch. mixte, n° 4, arrêt n° 2). Le choix de la formule sera fonction de ce qui semble le plus clair pour permettre à la cour dʼappel de renvoi de déterminer ce qui reste à juger. Comprendre la portée des arrêts de cassation - Si la Cour de cassation rejette un pourvoi qui nʼa fait lʼobjet que dʼun moyen sur un chef de dispositif, elle nʼapprouve pas pour autant la solution donnée sur les autres points, puisquʼelle nʼen a pas été saisie. Cʼest pourquoi on trouve parfois dans les arrêts la formule : “quʼayant retenu par un motif non critiqué...”, ce qui permet de sauver lʼarrêt en rejetant ce moyen. -Si une cassation intervient, cʼest que lʼarrêt nʼest pas justifié par un autre motif, qui permettrait à la Cour de dire que le motif attaqué qui va entraîner cette cassation est “erroné mais surabondant”. - Si lʼarrêt attaqué se contente de “confirmer le jugement”, ce sont les chefs de dispositif du jugement qui servent de base à lʼarticulation des moyens. La Cour ne relève que rarement des moyens dʼoffice de pur droit, mais, lorsquʼelle le fait, elle le dit et mentionne quʼelle en a donné avis aux parties, conformément à lʼarticle 1015 du code de procédure civile (Com., 17 février 2009, pourvoi n° 07-17). Donc, si la portée de la cassation semble ambiguë, il faut revenir au dispositif de lʼarrêt, et éventuellement du jugement, pour le rapprocher du grief fait à lʼarrêt par le ou les moyens sur lesquels la cassation est fondée. Un gros effort a été fait par les chambres de la Cour pour préciser la portée de la cassation. Mais, pour être efficace, cet effort doit être partagé : en effet, comment être précis dans la portée de la cassation si le dispositif du jugement et celui de lʼarrêt sont généraux ou se contentent de débouter le plaideur sans avoir précisé, au préalable, très précisément quelles étaient les demandes quʼil formulait ? Un arrêt dʼassemblée plénière du 13 mars 2009 (pourvoi n° 08 -60, en cours de publication) vient de rappeler que lʼautorité de la chose jugée nʼa lieu quʼà lʼégard de ce qui a fait lʼobjet dʼun jugement et a été tranché dans le dispositif, ce qui ne peut quʼinciter les juges du fond à une rédaction précise du dispositif des jugements, dont dépend la détermination de lʼétendue de lʼautorité de la chose jugée. Néanmoins, la Cour de cassation nʼhésite pas à rechercher parfois dans le corps de lʼarrêt des réponses distinctes à des chefs de demande correctement articulés mais qui font lʼobjet dʼun dispositif global du type “déboute X... de ses demandes”, afin de limiter lʼampleur de la cassation. Mais il est vrai que, même si la cour de renvoi parvient à cerner les limites de sa saisine, il est souvent difficile dʼobtenir des plaideurs et de leurs conseils de se limiter, dans leurs écritures et leurs plaidoiries, à la saisine de la cour de renvoi. Il appartient à la cour dʼappel de renvoi, et notamment au conseiller de la mise en état, dʼy veiller fermement, et il est tout à fait souhaitable que la cour de renvoi définisse expressément les limites de sa saisine lors de la mise en état, puis dans le texte de lʼarrêt. Portée des cassations totales Il faut savoir que si la Cour de cassation, fût-ce par erreur, prononce une cassation totale, la cassation est effectivement totale, de sorte quʼil ne subsiste rien de lʼarrêt attaqué. Cette règle importante a été formulée par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 25 novembre 1987, Bull. 1987, II, n° 244 : la cassation prononcée dʼune décision en toutes ses dispositions “ investit la juridiction de renvoi de la connaissance de lʼentier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit”. Depuis, la deuxième chambre civile a fermement maintenu cette position, qui a été reprises par lʼassemblée plénière le 27 octobre 2006 (Bull. 2006, Ass. plén., n° 13), et ce quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation (2e Civ., 21 décembre 2006, Bull. 2006, II, n° 362). Dans cette hypothèse, dʼune part, la saisine de la juridiction de renvoi est aussi large que possible, puisquʼaucun des chefs de lʼarrêt cassé nʼa acquis lʼautorité de la chose jugée, alors même que certains moyens auraient été rejetés (1re Civ., 20 juin 1995, Bull. 1995, I, n° 265(16)). Il est en effet parfois nécessaire de rejeter un moyen de procédure qui est préalable (violation de lʼarticle 16 du code de procédure civile par exemple), puis de casser sur une question de fond qui entraînera la cassation totale de lʼarrêt. Dʼautre part, la juridiction de renvoi doit statuer sur tout ce qui lui est demandé. En ne le faisant pas, elle sʼexposerait à une nouvelle cassation. Cette jurisprudence comporte deux inconvénients évidents, lʼun théorique, en ce quʼelle méconnaît lʼarticle 624 du 11 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... 2°) Déclare X... et Y... responsables de lʼaccident... ; 3°) Dit que Z... (victime) a commis une faute de nature à... ; 4°) Condamne in solidum X... et Y... à payer à Z... la somme de ... ; 5°) Condamne Y... à garantir X... ; 6°) Autres dispositions statuant sur la contribution à la dette entre les coauteurs ; 7°) Article 700 du nouveau code de procédure civile ; 8°) Dépens ; La Cour de cassation souhaite que cette fiche méthodologique aide les magistrats du fond à mieux comprendre ses arrêts et lui permette ainsi de consacrer lʼessentiel de ses forces à sa mission dʼinterprétation de la règle de droit. (1) Cʼest-à-dire, pour les arrêts de cassation, pour les arrêts de rejets pour lesquels la Cour se contente de répondre au moyen si elle estime que la solution sʼimpose à lʼévidence, et même pour les décisions de non-admission. (2) Sur Jurinet, les moyens sont accessibles par lʼicône en tête de lʼarrêt, à coté de la mention “texte de la décision”, et sont placés après le texte de lʼarrêt. Le rapport objectif et les conclusions de lʼavocat général sont accessibles par les icônes placées au pied de lʼarrêt, à coté des noms du rapporteur et de lʼavocat général. (3) Com., 10 février 2009, pourvoi n° 07-20. (4) Soc., 4 mars 2009, pourvois n° 07-45 et 07-45, et Com., 3 mars 2009, pourvois n° 08-13 et 08-14. (5) 3e Civ., 11 mars 2009, pourvois n° 08-10. 733, 08-11 et 08-11, et 2e Civ., 22 janvier 2009, pourvois n° 07-20 et 08-10. (6) “... la cour dʼappel a constaté, par une appréciation souveraine, que les messages écrits adressés téléphoniquement à la salariée le 24 août 1998 et les autres éléments de preuve soumis à son examen établissaient lʼexistence dʼun harcèlement”. (7) Ou une motivation incertaine, hypothétique, dubitative, contradictoire ou inintelligible (1re Civ., 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-17), toutes situations qui reviennent à une véritable absence de motif “utiles”. (8) Article 455 du code de procédure civile, aux termes duquel ”le jugement doit être motivé”, et CEDH (X... c/ Espagne, 21 janvier 1999, requête n° 30544/96) : “La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante reflétant un principe lié à la bonne administration de la justice, les décisions judiciaires doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent. Lʼétendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit sʼanalyser à la lumière des circonstances de chaque espèce” (§ 26). (9) Il faut rappeler à cet égard lʼexigence de motivation de la faute lorsque les juges du fond sanctionnent un abus du droit dʼagir en justice pour éviter de regrettables cassations pour absence de motivation de ce chef (3e Civ., 25 février 2009, pourvoi n° 08-10). (10) “Mais attendu que si la grève est licite dans son principe en cas de revendications professionnelles, il appartient au juge des référés dʼapprécier souverainement si elle nʼentraîne pas un trouble manifestement illicite...”. (11) Il semble inutile dʼalourdir la rédaction en mentionnant par exemple que “ M. X... fait grief à lʼarrêt de le condamner à payer 3 000 000 € de dommages-intérêts avec intérêts à compter de la demande” sauf, bien entendu, si le moyen porte sur le point de départ des intérêts. (12) Ainsi, dans un même arrêt, un moyen peut être rejeté grâce à des motifs propres de lʼarrêt attaqué et un autre moyen rejeté grâce aux motifs adoptés des premiers juges (3e Civ., 18 juin 2008, Bull. 2008, III, n° 105). (13) “Attendu... quʼen lʼabsence de clause de caducité sanctionnant de plein droit le non-respect du terme prévu pour la réitération de la vente, "le compromis" prévoyait que, passé ce délai, huit jours après la réception dʼune lettre recommandée avec accusé de réception adressée par la partie la plus diligente sommant lʼautre de sʼexécuter et demeurée sans effet, lʼacquéreur aurait la possibilité de contraindre le vendeur par toute voie de droit, que M. X... avait sommé lʼacquéreur par lettre recommandée du 1er juin 2005, laquelle avait, le 2 juin 2005, 13 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... réitéré sa volonté dʼacquérir, la cour dʼappel, sans dénaturation, en a exactement déduit que la vente intervenue le 16 septembre 2003 était parfaite“ ; (3e Civ., 16 décembre 2008, pourvoi n° 07-21). (14) Le professeur Morvan en a identifié 96, tels que “le principe du respect des droits de la défense”, “le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui des troubles anormaux du voisinage” ou “le principe fondamental en droit du travail, selon lequel, en cas de conflit de normes, cʼest la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application” (Le principe de droit privé, éd. Panthéon-Assas, 1999). (15) Fausse application : 1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 08-12 ; refus dʼapplication : 1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 08-13. (16) “... Attendu que, pour statuer ainsi, lʼarrêt attaqué énonce que lʼarrêt de la Cour de cassation du 14 février 1990 a rejeté le moyen pris en ses trois branches faisant grief à la cour dʼappel dʼAgen dʼavoir décidé lʼattribution préférentielle de la maison dʼhabitation à M. X... et le partage en nature du reste des biens indivis, et que la Cour de cassation avait ainsi indiqué, en prononçant le rejet et en motivant la cassation sur les autres moyens, quʼelle entendait, quelle que soit la formule employée dans le dispositif de lʼarrêt, la restreindre aux chefs qui étaient visés par ces derniers ; Attendu quʼen se déterminant par de tels motifs, alors que lʼarrêt de la Cour de cassation disposait que lʼarrêt de la cour dʼappel dʼAgen était cassé et annulé dans toutes ses dispositions, et les parties et la cause remises dans lʼétat où elles se trouvaient avant ledit arrêt, la cour dʼappel a méconnu lʼétendue de sa propre saisine, en violation de lʼarticle susvisé”. Le pouvoir souverain des juges du fond par Me Xavier Bachellier, avocat au Conseil dʼEtat et à la Cour de cassation La souveraineté du juge du fond à lʼépreuve de quelques faits par Christian Charruault, conseiller à la Cour de cassation Cʼest avec une certaine appréhension que jʼai abordé le sujet du pouvoir souverain des juges du fond. - Cette appréhension tient dʼabord à lʼampleur du sujet, car traiter du pouvoir souverain, cʼest, à rebours, envisager tout le problème du contrôle exercé par la Cour de cassation sur les décisions des juges du fond, et un tel sujet ne peut bien évidemment quʼêtre effleuré en une demi-heure. - Cette appréhension tient aussi à lʼauditoire, composé, je lʼimagine, pour lʼessentiel de professionnels de la cassation. Je me suis demandé : “que puis-je leur apporter quʼils ne possèdent déjà ?” Puis, en travaillant, je me suis rassuré et me suis dit que, dʼune part, il y aurait peut-être dans lʼassistance quelques personnes non familiarisées avec la cassation auxquelles je pourrai apprendre quelque chose et que, dʼautre part, pour les “avertis”, il est toujours bon de prendre un peu de recul et de réfléchir sur des questions que lʼon croit bien connaître. Je vais donc essayer, en renonçant bien évidemment à toute prétention dʼexhaustivité, de vous donner ma vision dʼavocat à la Cour de cassation, fruit de trente-cinq ans dʼexpérience quotidienne de la rédaction de mémoires en cassation. La Cour de cassation vit dans un certain paradoxe. Placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, elle dit le droit et fixe la jurisprudence. Et pourtant, elle nʼa pas le pouvoir, dans chaque dossier qui lui est soumis, dʼaller au fond des choses et, comme tout juge, de rechercher la vérité en droit et en fait. La limite de ses pouvoirs est fixée par lʼarticle 604 du code de procédure civile, aux termes duquel “Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement quʼil attaque aux règles de droit”. La Cour de cassation est souvent comme lʼAlbatros de Baudelaire, lorsquʼil se pose sur le pont du navire : “ses ailes de géant lʼempêchent de marcher”. Le contrôle sʼarrête au pouvoir souverain des juges du fond, et, pour lʼavocat, lʼhorizon sʼassombrit car, si la matière relève de ce pouvoir souverain, le champ de la discussion se réduit et, devant une décision bien motivée, il devra déconseiller le pourvoi. Je prendrai un exemple très simple pour illustrer cette problématique, tiré dʼun dossier que jʼai traité tout récemment (pourvoi n° 08-17) : 14 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... - lʼinsanité dʼesprit, cause par exemple de nullité dʼun testament ; - connaissance dʼun vice affectant la chose vendue. Les appréciations dʼordre quantitatif Il en va ainsi par exemple de : - lʼévaluation dʼun préjudice. En ce domaine, non seulement les juges du fond sont souverains, mais encore, la motivation de leur décision peut se réduire à lʼénoncé de cette évaluation ; - lʼappréciation du bref délai pour agir en rescision de la vente pour vices cachés ; -le grief causé par lʼirrégularité dʼun acte de procédure (article 114 du code de procédure civile) ; - le caractère anormal dʼun trouble de voisinage. Les qualifications Nous abordons ici des eaux plus troubles, où, à la frustration, peut sʼajouter lʼincompréhension. La qualification est en effet une opération juridique qui consiste à faire entrer des faits dans une catégorie juridique, pour leur appliquer un régime juridique déterminé : - un véhicule mal garé est-il impliqué dans un accident ? - le salarié qui a volé du petit matériel a-t-il commis une faute grave ? - lʼépoux qui se moque de son conjoint en public sʼest-il rendu coupable de violations graves des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ? Toutes ces opérations relèvent de la qualification : or, dans certains cas, la Cour de cassation va exercer son contrôle alors que, dans dʼautres, elle ne le fera pas, alors pourtant que la qualification devrait être toujours contrôlée, car il sʼagit dʼune appréciation dʼordre juridique. Je parle ici des chambres civiles, car le contrôle de qualification exercé par la chambre criminelle est beaucoup plus étendu et quasi absolu, probablement parce que, de la qualification, dépend lʼexistence dʼune infraction et que lʼon touche à la protection des libertés. Mais le temps me manque bien évidemment pour évoquer le contrôle des qualifications en matière pénale. Voici quelques manifestations de ce contrôle “modulé” de qualifications : - la faute de lʼarticle 1382 du code civil est contrôlée, comme le sont la faute inexcusable, la faute grave, la faute lourde, alors que relève du pouvoir souverain des juges du fond lʼappréciation de la faute dans le divorce, de la faute cause réelle et sérieuse de licenciement, du manquement grave aux obligations justifiant la résolution judiciaire du contrat ; - lʼacceptation tacite dʼune succession nʼest pas contrôlée, alors que la renonciation à un droit lʼest ; - lʼintérêt à agir est désormais contrôlé par toutes les chambres de la Cour de cassation, alors que, par exemple, lʼintérêt de lʼenfant dans le choix des mesures relevant de lʼautorité parentale ne lʼest pas ; - le lien entre une demande en première instance et une demande nouvelle en appel est contrôlé (article 566 du code de procédure civile), alors que le lien entre une demande originaire et une demande reconventionnelle (article 70 du code de procédure civile) ne lʼest pas. Comment expliquer ce contrôle modulé exercé par la Cour de cassation ? B - Les critères de répartition entre le pouvoir souverain et le contrôle. Il ne faut pas se bercer dʼillusion : il nʼy a pas dʼexplication rationnelle du contrôle modulé des qualifications exercé par la Cour de cassation. Certains ont essayé de dégager des critères, mais ils ont admis que ceux-ci ne pouvaient tout expliquer (voir lʼarticle de M. Jacques Boré : “Lʼavenir du contrôle normatif face aux fluctuations du contrôle des qualifications”, le Tribunal et la Cour de cassation 1790-1990, volume jubilaire, p. 193 et s.). 16 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... Quels peuvent être ces critères ? 1. La qualification sera abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond si les appréciations dʼordre factuel sont prépondérantes. Ainsi, par exemple, la faute dans le divorce, la disparité justifiant lʼattribution dʼune prestation compensatoire, lʼoriginalité dʼune oeuvre de lʼesprit, relèvent du pouvoir souverain, car les appréciations en ce domaine sont contingentes, trop dépendantes de situations factuelles et rendent difficile toute abstraction. En revanche, la faute grave et lʼapparence, par exemple, peut être contrôlée, car le juge a la possibilité de se livrer à une appréciation “in abstracto” permettant de définir un comportement “normal”. 2. La possibilité dʼunification de lʼapplication de la règle de droit est également un critère déterminant du contrôle. La Cour de cassation est en effet gardienne de lʼunité du droit, et elle doit veiller à lʼapplication uniforme de la règle de droit devant toutes les juridictions du fond. Il y aura contrôle chaque fois quʼil est possible de dégager des catégories de comportements susceptibles dʼentrer dans la qualification. On peut par exemple déterminer si le vol commis par le salarié constitue une faute grave, alors quʼen revanche, il est beaucoup plus difficile de dire dans quel cas lʼinsuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. On peut dégager des catégories de comportements de piétons constitutifs dʼune faute inexcusable, alors quʼil est difficile de dire dans quel cas des tensions entre époux justifient le prononcé du divorce. Monsieur lʼavocat général Cabannes a parfaitement résumé cette problématique lorsquʼil a proposé en ces termes à lʼassemblée plénière dʼabandonner le contrôle en matière dʼaccident de trajet : “Croyez-vous quʼil soit « essentiel », pour la Cour régulatrice, de décider que lʼarrêt dans un café peut, compte tenu des circonstances, constituer une « nécessité essentielle de la vie courante » au cas de fatigue, alors quʼune visite chez un orthoptiste ne le serait pas ? Une telle appréciation ne relève-t-elle pas des juges du fond, selon les pratiques en usage, selon les espèces, et, pourquoi pas, selon les régions en fonction des situations géographiques ?” (assemblée plénière, 13 décembre 1985, Dalloz 1986, p. 225). 3. La précision de la définition légale ne constitue pas en revanche un critère déterminant. On pourrait penser, à la première analyse, quʼil y aura contrôle là où le législateur a donné une définition précise de la qualification, et absence de contrôle là où il nʼa rien dit. La pratique montre que ce critère nʼest pas déterminant. Ainsi, si certaines qualifications sont contrôlées en lʼétat dʼune définition complète (par exemple, pour le harcèlement moral, depuis Soc., 24 septembre 2008, Bull. 2008, V, n° 175), en revanche, dʼautres ne le sont pas alors que la loi a été précise (divorce pour faute, article 242 du code civil). A lʼinverse, il peut y avoir contrôle en dépit du laconisme de la loi (faute grave du salarié) et absence de contrôle dans dʼautres cas (cause réelle et sérieuse de licenciement). 4. Le souci de protéger une catégorie de personnes pourrait justifier le contrôle de la qualification. On pourrait expliquer ainsi le contrôle exercé, par exemple, sur les caractères ou les mentions manuscrites dans le cautionnement, sur la faute inexcusable du piéton, sur la faute grave du salarié. Mais, à vrai dire, le but poursuivi nʼest pas toujours atteint. Lʼon sʼest aperçu, par exemple, que le contrôle qui était exercé avant 1987 sur la cause réelle et sérieuse de licenciement sʼavérait favorable à lʼemployeur, que la Cour de cassation protégeait, par les cassations prononcées, contre le laxisme des juges du fond. Il nʼest pas impossible que le contrôle instauré récemment sur le harcèlement moral, sans doute motivé par un souci de protection du salarié, conduise au même résultat. Il faut bien en convenir, il nʼy a aucune explication satisfaisante de ce contrôle modulable des qualifications, dont on doit sʼaccommoder. Et, de ce caractère modulable, sʼinduit nécessairement la flexibilité du contrôle dans le temps et dans lʼespace. C - La flexibilité du contrôle des qualifications. Le contrôle peut varier dans le temps et dans lʼespace. La Cour de cassation peut abandonner au pouvoir souverain des juges du fond ce quʼelle contrôlait, et vice versa. Dʼune chambre à lʼautre, une même qualification 17 di 26 18/10/15 17 Cour de cassation courdecassation/publications_cour_26/bulletin... A - Bien sûr, dʼabord, du contrôle de la motivation Pouvoir souverain ne veut pas dire pouvoir discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire dispense le juge de toute motivation, car il nʼ a pas à rendre compte des raisons qui lʼont conduit à sa décision. Par exemple, le juge dispose dʼun pouvoir discrétionnaire lorsquʼil statue sur le partage des dépens ou ordonne lʼexécution provisoire. Mais lorsquʼil est seulement souverain, le juge doit sʼexpliquer et répondre aux conclusions. Il faut bien reconnaître toutefois que ces exigences de motivation sont souvent assez réduites ; par exemple en matière dʼévaluation du préjudice ou dʼappréciation des fautes dans le divorce. De cette plus ou moins grande exigence de motivation selon les matières, certains ont cru déceler lʼexpression de deux degrés de contrôle des qualifications, lʼun “lourd” et lʼautre “léger”. Il sʼagit là dʼune idée fausse. Il y a contrôle ou pas de contrôle ; on ne peut pas contrôler à moitié, et sʼil est possible que, dans certains domaines, la Cour de cassation soit plus regardante quant à la motivation, on ne saurait en déduire que les juges du fond cessent dʼêtre souverains. B - Le manque de base légale Même dans le domaine où les juges du fond sont souverains, la Cour de cassation peut censurer les arrêts pour défaut de base légale. En effet, si la Cour de cassation ne contrôle pas lʼappréciation par les juges du fond des conditions dʼapplication de la loi, elle doit au moins sʼassurer que ceux-ci se sont référés aux principes adéquats et quʼils ont formellement constaté que ces conditions étaient réunies. Moins le contrôle du fond est poussé, plus le contrôle formel doit lʼêtre. Ainsi, par exemple en matière de faute grave du salarié, il importe peu que les juges du fond nʼaient pas formellement constaté que la faute du salarié rendait impossible son maintien dans lʼentreprise, car la Cour de cassation, qui exerce son contrôle de qualification, est en mesure de sʼassurer elle-même si cette condition est remplie. En revanche, dans les domaines où ils sont souverains, les juges du fond doivent constater formellement la réunion des conditions légales. Ainsi par exemple : - le juge ne peut réduire la clause pénale sans constater que la peine est “manifestement excessive” (article 1252 du code civil) ; - Il ne peut admettre lʼexistence dʼune société de fait sans constater la réunion des éléments de celle-ci (mise en commun dʼapports, volonté de partager les bénéfices et les pertes) ; - Il ne peut prononcer la nullité dʼun testament sur le fondement de lʼarticle 503 du code civil sans constater que la cause qui a déterminé lʼouverture de la tutelle du testateur existait “notoirement” à lʼépoque où le testament a été rédigé. Il ne faut toutefois, là encore, pas se faire trop dʼillusion sur lʼefficacité de ce contrôle formel, que la Cour de cassation peut abandonner, comme elle lʼa fait par exemple en matière de divorce pour faute, sans doute à raison de son caractère par trop tatillon : lʼarticle 242 du code civil, on lʼa déjà dit, subordonne le prononcé du divorce à la constatation de violations graves ou renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune. Pendant longtemps, la Cour de cassation, qui, on le sait, nʼexerce aucun contrôle de qualification en ce domaine, censurait les arrêts qui prononçaient le divorce aux torts dʼun époux sans reproduire les formules légales. Elle a abandonné cette rigueur. La deuxième chambre civile a jugé, dans un arrêt du 30 novembre 2000 (Bull. 2000, II, n° 157) : “quʼen retenant que les faits reprochés au mari constituaient des causes de divorce au sens de lʼarticle 242 du code civil, ce dont il résultait que la double condition exigée par cet article avait été constatée, la cour dʼappel a, par une motivation suffisante, légalement justifié sa décision”. La première chambre civile, désormais compétente en matière de 19 di 26 18/10/15 17

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Méthodologie commentaire d'arrêt

Matière: Droit civil I 

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Cour de cassation
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COMMUNICATION
Fiche méthodologique
Droit et technique de cassation 2009
Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile par Jean-François Weber, président
de chambre à la Cour de cassation
Depuis la création du Tribunal de cassation en 1790, des générations de conseillers à la Cour de cassation ont
affiné une technique de rédaction des arrêts très sophistiquée, dont les principales caractéristiques sont la
concision, la précision terminologique et la rigueur logique.
Les progrès de lʼinformatique permettent désormais de rendre accessible, dans les bases de données, les
rapports objectifs du conseiller rapporteur, qui posent la problématique du pourvoi, ainsi que les conclusions des
avocats généraux dans les affaires publiées au
Bulletin
de la Cour. Ensuite, les moyens des pourvois auxquels
répondent les arrêts, qui nʼétaient publiés que dans les arrêts de rejet car ils font alors partie intégrante de lʼarrêt,
sont, depuis décembre 2008, accessibles sur
Jurinet
lorsquʼils sont annexés à la décision
(1)
. A travers le
développement des sites “intranet” et “internet” de la Cour de cassation, de très nombreux documents relatifs aux
arrêts rendus sont désormais accessibles en ligne.
Dans le souci de faciliter encore davantage la lecture et la compréhension des arrêts de la Cour, il est apparu
utile de diffuser la présente note méthodologique contenant un certain nombre de précisions techniques sur la
rédaction des arrêts, et qui a pour objet dʼattirer lʼattention des lecteurs sur la spécificité formelle des arrêts de la
Cour de cassation. Cette nouvelle fiche, comme la fiche déjà diffusée sous le titre
Interprétation et portée des
arrêts de la cour de cassation en matière civile
”, a pour ambition de contribuer au dialogue nécessaire entre la
Cour de cassation et les juridictions du fond. La version électronique de cette fiche permet dʼaccéder directement
à la plupart des arrêts cités.
Les difficultés de compréhension des arrêts
Les interrogations sur le sens des arrêts de la Cour de cassation
Lʼinterprétation de ses arrêts suscite des questions et parfois des critiques, engendre des faux sens ou des
hésitations.
Il est dʼabord malaisé pour un justiciable de comprendre que la Cour :
- ne re-juge pas lʼaffaire, mais juge la conformité de la décision attaquée aux règles de droit (article 604 du code
de procédure civile) ;
Les avocats eux-mêmes ne commettent-ils pas parfois le contresens consistant à lire le moyen au lieu de retenir
la réponse de la Cour ? Combien dʼarrêts sont invoqués, de plus ou moins bonne foi, dans des conclusions,
comme des arrêts de principe, alors quʼils ne sont que des arrêts sans aucune portée normative en raison de
lʼappréciation souveraine des juges du fond ? La mise en ligne par
Legifrance
” de lʼintégralité des arrêts a
décuplé la fréquence de ce type dʼaffirmation.
Quant aux interprétations doctrinales, elles font parfois découvrir aux chambres de la Cour des innovations ou
des revirements que celles-ci nʼavaient ni envisagés ni effectués.
De leur côté, les juges du fond sʼinterrogent souvent sur le sens dʼun arrêt censurant leur décision, sur
lʼinterprétation dʼun précédent jurisprudentiel ou sur la portée dʼune décision. Ainsi, peut-on se leurrer sur un rejet
dʼapparence satisfaisant pour le juge du fond, qui constitue en fait un sauvetage de sa décision, par exemple
grâce aux motifs présumés adoptés des premiers juges. Inversement, nous savons bien que sont mal reçues
certaines cassations pour défaut de réponse aux conclusions : nʼest-ce pas en effet un grief difficile à accepter
par le juge dʼappel qui sʼest trouvé, dans un litige de droit immobilier, devant une douzaine dʼintimés, des actions
Cour de cassation https://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/bulletin...
1 di 26 18/10/15 17.01

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